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12 nov. 2009

Droit d'asile (suite et fin)

Bonjour!

Juste un petit post, pour marquer une décision importante : celle des autorités administratives de la France d'accorder le statut de réfugié à cette jeune femme que nous accompagnons dans le service.

Bien sûr il reste une étape: la carte de résident à établir, mais elle lui revient de plein droit, grâce à son statut. Une formalité, donc!

Finie la crainte incessante du lendemain noir! Quel soulagement pour elle!!

Notre acharnement administratif n'aura pas été vain! Quel soulagement pour nous aussi!


A bientôt.
Maïa.

29 oct. 2009

Droit des étrangers


A titre informatif, le Comede et l'Inpes mettent à disposition des professionnels un guide pratique concernant les migrants et les étrangers en situation précaire.


On peut y trouver moultes informations sur le droit des étrangers, l'accès aux soins, le soutien juridique, les différents statuts administratifs en France..
Des modèles de documents administratifs les plus courants sur le droit au séjour et les décisions des instances juridiques et administratives y sont présentés.

Ah oui, aussi.. quelques repères géopolitiques sur les principaux pays de provenance, pour ceux qui pourraient confondre RDC et Congo Brazzaville, ou qui parleraient encore de Yougoslavie, de terre de Siam ou de Perse.

Evidemment, les quelques 568 pages °!° de ce guide ne se lisent pas vraiment comme un roman, mais c'est le genre d'ouvrage bien utile dans une bibliothèque d'éducateurs, enfin.. dans la mienne en tout cas.. tant la complexité et l'extrême particularité de chaque situation me rappellent que je ne sais rien °!°

Ce guide, régulièrement actualisé est à demander par courrier ou sur le site de l'Inpes.

A bientôt. Bonnes vacances à ceux qui en ont!
Maïa.

23 oct. 2009

Droit d'asile

Suite à un rejet de l'OFPRA, l'appel est possible auprès de la Cour Nationale du Droit d'Asile.

Après l'audience, trois décisions possibles:

- accord du statut de réfugié

- accord de la protection subsidiaire

- rejet de la demande .. dans la majorité des cas.

Le statut de réfugié reconnaît "toute personne craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social.." ou "toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté". C'est dans la Convention de Genève (un peu bref comme explication, mais de "vraies infos" sont faciles à trouver..) Une carte de résident de 10 ans est délivrée de plein droit.

Quelle vie attend une jeune femme, sans famille, issue d'un clan minoritaire, jamais scolarisée, isolée et insécurisée, dans son pays en guerre?

La protection subsidiaire est accordée aux étrangers ne pouvant pas prétendre au statut de réfugié, mais étant menacés de mort, de traitements inhumains ou dégradants, de torture, s'ils retournent au pays d'origine.. Une carte de séjour temporaire "vie privée et familiale"est délivrée.

L'Etat français entendra-t-il son impossibilité à elle de retourner dans un pays qu'elle ne connait pas, et dans lequel elle a peu de chances de survie?

Peu d'appels aboutissent positivement à la cour.. L'attente est longue pour cette jeune femme.

14 oct. 2009

Guide des jeunes majeurs.

Le Guide des Jeunes Majeurs
a été conçu par le service Droit des Jeunes de l'ADNSEA.

Ce n'est pas nouveau, il a déjà deux ans, mais il est encore plutôt d'actualité.

Il comporte une douzaine de fiches concernant la responsabilité, la citoyenneté, la santé, le logement, le couple et la famille, et quelques droits et devoirs civiques élémentaires.

Je ne pense pas qu'il soit accessible à toutes les personnes que nous accompagnons, mais il permet de donner une vision simple et globale à ceux qui seraient un peu perdus dans leurs démarches et qui ne sont pas rebutés par l'écrit. Ce document peut être rassurant pour certains, selon le profil.. oui, ce que je dis là.. ça casse pas trois pattes à un canard, alors allez voir vous-mêmes!

http://www.reseaudroitdesjeunes.org/index.php?id=80&cat=26&tx_ttnews%5Btt_news%5D=102&cHash=b7c23eb637

A plus'. Maïa.

12 oct. 2009

Cluedo

Salut'

Purée je prends 24 h de retard toutes les semaines, ce n'est pas bon signe.

Vendredi dernier, je travaillais de soirée. Lors du relais avec mon collègue du matin, ce dernier m'apprend que Jean-Pascal ("un agitateur, un provocateur, un animal, my name is Jean-Pascal" - ça si ça passe, ce ne sera pas tout à mon honneur-)

Mon collègue m'apprend donc que la carte de retrait bancaire de Jean-Pascal, que nous conservions de manière plus ou moins forcée dans son dossier, a disparu mystérieusement, pour la deuxième fois en 3 mois !

Petit aparté : je rappelle que je bosse avec des jeunes majeurs pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance. "Dans ce cadre (déformation professionnelle)" nous avons mis en pale un suivi bancaire des jeunes salariés, qui prend différentes formes selon le jeune.

Pour Jean-Pascal, qui a des difficultés d'ordre psychologique et intellectuel, ce n'est pas compliqué : on lui a piqué sa carte de retrait avec son accord. "C'est-y-pas beau " (cynisme, précisons pour les "1er degré") et sur demande du référent ASE qui lui a accordé un contrat de prise en charge de jeune majeur (APJM pour les novices)

Pour ceux qui s'offusqueraient il faut savoir d'une part que le Département prend tout en charge, argent de poche compris. (et nos salaires de vautour aussi, et ceux de la direction, bien plus élevés, aussi) et que Jean-Pascal qui gagne 150 euros par mois dans son centre 2ème chance pour esclaves a quand même réussi à claquer 360 euros en une soirée à cause de 2 "copines" manipulatrices et plus rapaces encore que nous autres professionnels de la chose.

Je m'égare, une fois de plus. Le fait est que c'est à cette occasion que Jean-Pascal nous avait dérobé en douce sa carte pour la 1ère fois.

Bref Jean-Pascal va toucher 1000 euros dans quelques jours. Décision d'équipe : sa carte de retrait ne serait-elle pas plus en sécurité désormais dans notre coffre bindé que dans son dossier personnel et consultable à loisir ?

Et c'est en s'apprêtant à appliquer cette décision d'envergure que "stupeur, la carte a disparu !!". Ce que m'apprend donc ma collègue du jour ce midi.

C'est l'élément perturbateur. Voici le développement.

Le sujet s'annonce donc sensible. Il faut creuser le mystère. Ca sent les accusations sans preuve, la révolte, le conflit, bref, ça pue.
Il va falloir jouer stratégique. J'attends la tombée de la nuit. Jean-Pascal est dans son studio, seul. Il est 21h, tout le monde est couché. Pas d'effet de groupe à redouter. Je tape à la porte. Je commence par prendre rendez-vous avec lui le lendemain matin pour quelques démarches professionnelles. Il est ok et ravi que je prenne le temps de l'aider à ce niveau.

"T'inquiète bonhomme c'est mon taf". Et là surprise : je le prends à revers : "bon à part ça j'ai un soucis ta carte a disparu tu l'as encore piquée sale voleur menteur etc.." Le visage de Jean-Pascal est placide (??) Aucune émotion violente ou déchiffrable ne vient déformer ses traits. Il me répond avec calme et fermeté qu'il n'y est pour rien.

Je change de stratégie et l'accompagne dans sa logique. Si on lui a volé cette carte il faut faire opposition. Nous irons à la Banque demain. "Pas de problème Ababakar, à demain, bonne nuit"

Dénouement.

Evidemment le lendemain Jean-Pascal traine un peu la patte pour se lever. M'enfin, à 11h il est prêt. Ok nous partons faire opposition.

Moi : "Euh..Au fait, tu as pris ta carte d'identité?"
Lui "Ah non, on m'avait pas dit qui fallè qu'j'en prende, pi je l'ai perdue avé mom portefeuille il y a 15 jours au moins"

GRRRRRR T'AS INTERET A RETOURNER TON STUDIO ET A RETROUVER TOUT CA

Pendant ce temps là je fouille ses papiers bancaires, je trouve des coordonnéess téléphoniques pour consuter ses comptes (il s'avère que les retraits s'enchainent déjà depuis 15 jours pour une valeur de 200 euros) et faire opposition ainsi que ses mots de passe. Il me redonne son accord oral pour faire opposition. Et je parviens même à lui faire signer le courrier de confirmation un peu plus tard.

Le pire est évité pour l'instant.

Epilogue.

J'ai un soucis. Jean-Pascal ne sait pas mentir. Et il persiste à me répéter que CE N'EST PAS LUI qui utilise sa carte. Et pourtant personne d'autre ne peut l'avoir piquée dans son dossier ( 2 % de probabilté Scolandyersque )
Conclusion : il existe un type en ce monde qui a suffisamment d'influence sur Jean-Pascal pour que ce dernier lui remette sa carte de retrait et son code, en étant toutefois quasi-certain de ne pas se faire balancer.

Et ça, ça m'énerve!

Ababakar


5 oct. 2009

Mémoire DEES

Bonjour

Je révise un peu ma copie concernant le mémoire DEES "nouvelle formule". Aïe, je vous vois déjà fuir.. alors je vais faire court.

Du peu que j'en savais, je le pensais un peu édulcoré, ce mémoire "réformé". J'imaginais qu'il ne serait plus question de presser intensivement les étudiants pour en extraire la substantifique moëlle, °:°, fruit d'une masturbation intellectuelle propre à tout éducateur en devenir, °:°, et je le déplorais déjà. Parce que ça fait du bien à tout le monde de réfléchir un peu, bigre.

Et je me suis peut-être trompée et tant mieux! Le nouveau mémoire ne s'apparentera pas à une monographie. C'est juste qu'il ne fera plus le grand écart entre un mémoire universitaire (de recherche) et une simple réflexion sur un parcours professionnel débutant.

Ce sera un mémoire professionnel, un vrai!
C'est-à-dire:
- un diagnostic socio-éducatif est à établir
- un projet éducatif est à dégager
- le projet est à évaluer..

Il ne sera donc plus question de regard transversal sur un parcours de formation, mais il sera toujours de bon ton d'associer les éléments théoriques et le constat professionnel. Ouf me direz-vous!

En bref:
- on diagnostique
- on conceptualise
- on propose une mise en oeuvre
- et progressivement on évalue.

La méthodologie de projet s'en verra accentuée.
Que de bonnes nouvelles!

Ompf!! Un peu indigeste ce post.. si vous pensiez vous distraire.
Maïa

28 sept. 2009

La patate chaude

Salut'

Cette semaine, avec un peu de retard, j'ai envie de vous parler de l'accueil en urgence d'une jeune mineure : le quasi-quotidien des éducateurs qui travaillent en internat dans la Protection de l'Enfance.

Oui sauf que moi je travaille à l'intérieur d'une M.E.C.S. (maison d'enfants à caractère social pour les ignares), qui est donc un établissement privé. Et il faut différencier les M.E.C.S -privées donc- des structures publiques, en cela que ces dernières sont missionnées pour de tels accueils, qu'elles ne peuvent refuser.

Nous, en M.E.C.S, on tente de plus en plus de faire les malins. Notre statut privé nous permet de définir nous même notre "projet éducatif institutionnel". Et là, Bingo! Il n'est pas dit du tout que les accueils d'urgence soient compatibles avec ce projet ? Nos responsables ont même tout intérêt à ce que ce soit l'exact contraire! Pourquoi ? Parce que ça met la structure à l'abri du phénomène de "la patate chaude" : l'incasable qui détruit les structures et leurs équipes les unes derrière les autres et qu'on se refile sans que personne ne puisse s'y opposer, le vendredi soir en "Accueil d'Urgence".

Voilà pourquoi moi, en M.E.C.S., dans un établissement qui revendique haut et fort la mise en place de procédures d'admission pour "définir au mieux l'orientation et le pré-projet d'accompagnement du jeune" via un sas d'épuration sanitaire anti-patate, voilà pourquoi l'accueil d'urgence d'une jeune mineure est un évènement majeur !

Et surtout quand on travaille essentiellement dans le cadre d'"Accueils Povisoires de Jeunes Majeurs".

Là je me rends bien compte que mon introduction était bien trop longue, et que personne au monde ne lira plus loin, m'enfin! Sait-on-jamais !

Alors voilà mercredi dernier nous apprenons en équipe l'accueil "en urgence" (comprenez "à l'arrache") de la jeune Astrid 17 ans, qui se programme dès lors le lendemain soir. Point. Pas d'histoire. Pas de parcours. Pas de problématique. Pas de compte-rendu de situation. Pas de photo. Un studio de libre? Et c'est parti, faites votre boulot d'éduc.

Ok ok, bonjour mademoiselle, voilà voilà ta chambre. Ca te plait. ce soir c'est nous qui te faisons à manger, on va t'explqiuer un peu la vie ici. Fais pas trop de bruit on ne t'avait pas vraiment prévu, et aujourd'hui c'est "club-cuisine". Mordious! Je suis débordé!
Bon ça c'est l'accueil tel que je l'imagine, parce qu'en vrai j'étais tranquillement chez moi, heureux que ça ne me tombe pas dessus! (c'est bête, je sais, parce qu'en plus c'est super essentiel et important un accueil, mais bon la peur de l'inconnu, le danger, la paresse tout ça..)

Non moi ce qui me tombe dessus c'est la convocation à l'audience devant le Juge des Enfants. Convocation que je découvre le lendemain matin, 1h30 avant ladite audience, entre le café et.. le café !

Purée ça fait bien 2 ans que j'ai pas mis les pieds dans un tribunal, en tout cas dans le bureau d'un juge pour enfants qui s'apprête à placer un gosse. Je n'ai aucune idée de mon rôle à cette audience.. si ! "taxi" ça me parait évident, ; "garde du corps" aussi (le père maltraitant attend certainement sa fille dans le tunnel obscur et non-surveillé qui conduit à l'ascenseur étroit qui conduit au tribunal qui conduit au cauchemard des éducs : la confrontation à la justice..)

Ah.. un ptit mot sur un post-it de la part de ma collègue de la veille. Le chef dit de dire au référent social, qui est encore moins au courant que moi de la situation, qu'il faut demander un éloignement loin de chez nous, rapport à la violence paternelle.

Ce serait pas plutôt rapport aussi à la patate chaude qu'on ne connait pas et qu'on verrait bien frire ailleurs, non?


Ababakar

PS : Ah oui je n'ai pas particulièrement envie d'en faire un post mais je consigne à ma propre intention la fin de prise en charge de Carlos majeur le même jour, et recueilli par ses grands-parents avec moins que le minimum de chaleur syndicale.

20 sept. 2009

Le détour par Magellan


Salut'

Cette semaine j'ai longuement hésité sur le choix de l'évènement de la semaine que j'allais vous narrer. J'avais envie de vous faire part d'une (en)quête qui m'a laissé tel Perceval devant le Graal : déconfit de retourner penaud à la case départ après avoir trouvé le si convoité saint récipient. (ici les non-littéraires s'enfuiront tandis que les lettrés crieront au non-sens)

Je sens que je vais avoir du mal à me centrer aujourd'hui..

Enfin voilà, j'ai relu le post précédent et je me suis dit : "Purée mais les gens qui ne me connaissent pas vont penser que je m'enorgueillis d'avoir secoué ce malheureux! Et il se prétend éducateur! Juste un cow-boy, ouai! Mais où est la posture professionnelle?"

Et j'avoue qu'ils auront raison de se poser cette question. C'est aussi celle que je me suis posée cette semaine, alors que je rencontrais (et découvrais) en équipe le nouveau psychologue embauché par ma boite, appelons le
ad vitam Magellan, rapport aux "Grandes Découvertes"..

Alors voilà. Nous sommes 6 cet après-midi à être réunis dans de confortables fauteuils et nous procédons aux présentations d'usages : 4 éduc, le chef et Magellan. Et Magellan d'affirmer que "rien de tel pour se découvrir que de commencer à travailler" et "si nous évoquions une situation?" Silence traditionnel évoquant le recueillement des gens qui n'ont rien préparé et s'interrogent sur la nécessité de réfléchir quand on n'est qu' éduc..
Pour ma part j'hésite entre deux situations, sans être persuadé de l'utilité de les exposer d'aileurs. 3 mois que nous travaillons sans psy et nous nous en sortons aussi bien! Comment ça j'ai failli encastrer un jeune dans un mur la semaine passée.. Rien à voir!


Finalement une collègue embarassée, pour ne pas dire machiavélique, me refile le bébé.. "Aba, tu devrais parler de ce qui t'es arrivé la semaine dernière!" re-Grr (cf pénultième post , et "oui, il s'agit de la même personne)

Enfin bon, pas moyen de se défiler, l'humour ne me mènera nulle part et nous sommes au 1er étage, c'est trop haut pour tenter une évasion spectaculaire.

Je raconte donc mon aventure, que je ma targue depuis une semaine d'assumer complètement. Il est vrai que je suis convaincu d'être un éducateur sans faille, qui a simplement souhaité rétablir la justice au risque de son intégrité physique là où d'autres se seraient contentés de fermer les yeux genre "moi les affaires entre jeunes ça ne me regarde pas".
Et à la manière dont je raconte cet évènement à ce quasi inconnu dont la qualité laisse statutairement penser qu'il entendra la moindre faille, je m'aperçois que je ne suis pas si à l'aise que ça avec cette histoire.

Mes motivations pour intervenir ce jour-là : rétablir la justice? Non, cessons de mentir ; la justice, ça n'existe pas, nulle part et pour personne, et c'est pas mon boulot, sinon j'aurais fait du droit..(?)


Je crois que Magellan est déjà en train de m'aider à découvrir (sans le savoir) que ce qui m'a poussé à intervenir, c'est la volonté d'aller gratter le vernis des apparences, voir de l'exploser, et c'est étrange, c'est ce qui arriva : une explosion.

A force de bosser à l'instinct, je n'ai pas pris le recul nécessaire pour me demander, une seconde, si mon intervention était professionnellement justifiée.


Je me souviens de ce qui passé en moi quand je me suis adressé à Carlos la première fois, pour lui demander de rendre ce fichu portable. Une fichue idée instinctive de l'ordre de : "Ca fait une année que nous ne parvenons pas à avancer éducativement parlant avec Carlos. Pourquoi? A cause d'un relationnel fondé sur les apparences, sur l'image que Carlos nous sert à chaque fois que nous sommes en relation, et dont nous nous satisfaisons par facilité.." Puis de l'ordre de "Ce soir c'est fini, je ne m'en contente plus, je fais exploser ça".

C'est tout ça qui m'est passé par la tête la seconde où j'ai décidé d'aller fouiller dans "le linge sale" de Carlos, comme dirait Magellan..
Le problème étant :


1. que cette attitude de ma part était potentiellement dangereuse pour la santé mentale de Carlos, pour lequel les apparences, l'image qu'il renvoie de lui-même sont peut-être l'essence de sa construction identitaire, ce qui le soutient psychologiquement et lui évite de s'effondrer.. et oui, rien que ça!

2. que tant qu'à avoir pris ce risque en allant voir ce qui se cachait sous le vernis, je n'aurai pas du retourner vite me cacher moi aussi sous les apparences : celle de l'éduc justicier qui est parvenu à "rendre le portable"..


Ababakar

13 sept. 2009

Une minute de violence

Salut'

L'évènement de la semaine, c'est très certainement l'altercation un poil musclée que j'ai eue avec un quasi-majeur cet après-midi.
Pas facile de fermer l'œil après de tels épisodes..
Amis voyeurs, laissez moi vous conter l'histoire.
Le jeune Carlos (pseudo à peine connoté) fait poireauter depuis un bon moment déjà la jeune Ernestine qui lui réclame un portable prêté la veille. Ayant connaissance de la petite réputation de voleur-recéleur que le jeune Carlos se taille mois après mois -à tort ou à raison- je décide une fois n'est pas coutume de me mêler de cette affaire de Buiz-troc entre jeunes. Il est grand temps de me faire ma propre idée de l'honnêteté avérée ou non de ce jeune détrousseur en série au regard débordant de trop d'innocence.

-"Carlos, rends le portable à la demoiselle"
-"Non, mais blablabla.."
-"Rends lui son portable. c'est le sien. Elle te le réclame. Tu lui rends. Point."

10 min plus tard, les deux protagonistes n'ont pas bougé d'un poil. La situation semble gelée. Je m'adresse à Ernestine.

-"Tu n'as toujours pas récupéré ton portable?"
Négatif
-"Carlos, tu lui rends son portable tout de suite où je vais le chercher"
Carlos est de plus en plus tendu.
-"Non mais j'attends un coup de fil important, elle m'avait diit jusqu'à demain! blablabla je vais péter un plomb blablabla
-Carlos, ne m'oblige pas à aller le chercher!"
Carlos part alors dans son studio:
-"C'est ça n'essaie même pas!
-"2 min, Carlos"

2 min plus tard Carlos n'est pas réapparu. Je le rejoins chez lui. Nous sommes seuls désormais.

-"Carlos, je t'ai demandé 2 fois de lui rendre son portable. Pas demain, maintenant!
- Ouai je ne peux pas j'attends un appel important, le travail blabla
- Si tu attends un appel je te passe le tel du bureau, tu donnes ce numéro pour qu'on te rappelle
- Oui mais elle m'avait dit jusqu'à demain..
- Elle a changé d'avis. Tu lui rends. Ce n'est pas à toi. Il est où ce portable??
- Ouai je ne l'ai pas..je l'ai revendu!
- Quoi??
- Non c'est pas vrai mais j'en ai besoin, elle l'aura demain à 8h!
- Ecoute tu me dis où est ce portable, où je le cherche moi-même"

La situation s'enlise, il faut avancer.. Fouiller n'est pas une pratique que j'adore..Mais il faut tenter quelque chose pour le secouer.. Je fais d'abord mine de regarder derrière les objets, et lui de vouloir partir. Je lui dis que je ne partirai pas sans m'être assuré que ce portable ne se trouve pas chez lui, puisque lui se refuse à m'indiquer où il est. Je soulève un matelas et j'arrive finalement à la dernière planque possible, la commode où sont soigneusement pliés et repassés les vêtements de ce jeune innocent qui s'accroche tant à son apparente perfection.

Et là, c'est le drame. Carlos m'attrape et me repousse physiquement, le regard flamboyant de colère, dans un mouvement que je reçois très violemment. La réaction ne se fait pas attendre. Les deux mains à son col je le repousse avec suffisamment de force pour qu'il ressente le peu d'intérêt qu'il a de tenter de conclure notre affaire par ce moyen..
Malheureusement ces situations sont d'une nature telle qu'elles sucitent l'imprévu et l'incontrôlable. Ma main droite fermement accrochée à son encolure, repoussant le bonhomme, vient maladroitement heurter sa machoire dans un bruit sourd qui ne retranscrit pas fidèlement la faiblesse du choc.

Aïe Aïe. "Tu m'as mis une droite, tu m'as mis une droite!!"

Il semblerait que cet incident légitime un regain de violence de la part du garnement, qui croit malin de me repousser à nouveau dans son canapé en se jetant sur moi. 2ème réaction. Tout aussi "mesurée" que la première, mais sans accident cette fois-ci. Nous sommes debout face à face ; je n'ai aucune idée de ce que nous nous hurlons, chacun les mains au col de l'autre. Les miennes se relâchent les premières, très vite. Je ne ressens ni colère, ni orgueil blessé, ni aucune nécessité d'affirmer ma supériorité physique (supposée^^)

Par contre faudrait voir à ce qu'il me lâche lui aussi, bordel!

Tiens, on s'entend à nouveau. Lui m'accuse de l'avoir frappé. Je me rends compte que ce fait ne semble pas pouvoir faire l'objet d'une discussion. Je reprends donc l'offensive. "Je veux toujours savoir où est ce portable" Voix calme et ferme autant qu'elle le peut. Et je reprends la "fouille-rien-ne-m'arrête" Lui finit rapidement son sac et quitte son studio : 'Tu fermeras en partant", me lance-t-il.. Je le suis ; je sais bien que cette fouille ne servira pas en elle-même à retrouver l'objet.

Dernière tentative ; je le hèle : "Je te préviens que si ce portable ne réapparait pas, il y aura portage de plainte contre toi en plus de la note d'incident qui va suivre très prochainement."

On ne fait plus trop attention aux erreurs de langage dans ces moments là ; Gad le dit aussi dans son sketch du papa en colère, et il semble bien qu'il ait raison. Mais c'est quand même la honte.

Je redescends et le talonne jusqu'à ce qu'il prenne la route de son entrainement de sport.

Il réapparait pourtant 5 min plus tard dans le bureau et rend son portable à Ernestine.
Quoi? Comme ça? Maintenant?

20 min plus tard il est dans le bureau d'un chef de service, en larmes.

3h plus tard. Nous avons une entrevue à 2. D'après lui son geste est légitime. Tout est ma faute. Je lui ai mis une droite. Ah..Bon.. -"C'est tout?". '"C'est tout". "Bon, sache que tu as tout à fait le droit d'aller te plaindre de moi à mon chef de service où à ta référente sociale si tu penses que j'ai mal agi envers toi."

4h plus tard. Je retourne chez lui avec la note d'incident écrite, lui en fais la lecture et lui en laisse un exemplaire. Il ne bronche pas, n'a rien à ajouter. Je lui dis que je n'ai aucun problème à assumer mes actes dans la mesure où je ne crois pas avoir eu d'autre solution sur le moment que celle de le repousser physiquement. Je répugne à devoir en venir aux mains avec un jeune. Vraiment. Mais pas suffisamment pour accepter que l'on porte la main sur moi. Même si j'accepte tout à fait l'idée que parfois, il faut que ça éclate. C'est comme ça. Par contre je trouve regrettable que nous nous soyons retrouvés dans cette situation.

Blablabla. Pas de Feedback. "Bon je suis dispo demain de 8 à 9 et après 12 h si tu veux me voir pour en reparler.

Fin

Me reste un goût amer

9 sept. 2009

Rentrée footballistique


Salut'

L'évènement de la semaine c'est en fait celui de la semaine dernière, qui m'a vu revenir à la dure réalité de cette existence : il faut travailler. Enfin il paraît. Alors essayons..

Oh! Mais que vois-je aujourd'hui? Quelle abominable découverte en ce jour maudit entre tous?
Mon lieu de travail et bureau chéri repeint aux couleurs du RC LENS! (sang et or pour les ignares!) Moi qui ai horreur du foot et du passionnalisme.. Passons sur les couleurs.. Mais où est donc passé le tableau d'affichage sur lequel figuraient les quelques malheureux documents de suivi pour la survie desquels j'ai sué sang et eau pendant 2 ans ?? Et pourquoi mes tortionnaires de collègues me regardent-elles en souriant, osant même me demander non sans un soupçon de crainte et d'arrogance mêlées : "Alors, ça te plaît?" Grrr..

Et là le miracle. Ben oui. "Ca"me plaît. J'aime bien ce rouge typique de la région dans laquelle j'ai choisi de m'installer. J'aime bien ce jaune vif qui a le mérite de vitaliser ce lieu empreint jusqu'alors d'une ambiance presqu'aussi lourde et maussade que le vert fadasse qui recouvrait depuis jadis les murs humides et froids de cette antique écurie.


Double miracle. Les fameux documents pré-cités ont été non seulement conservés mais également tenus à jour! Mais que se passe-t-il ici? Chercherait-on à m'évincer? Ne sers-je plus donc à rien?
Chers collègues qui passeriez par ici par inadvertance, je n'ai pas la formule pour vous remercier sans condescendance pour ce geste de bienveillance envers mes bébés..

Et voilà. Dans ces nouveaux locaux je me sens désormais prêt à reprendre mon travail.
En parant au plus pressé d'abord : démêler la situation du jeune Antoine qui s'est installé dans le Sud cet été, et dont la situation administrative (et donc financière) semble inexorablement bloquée. Reprendre avec Vincent le fil de sa recherche de formation professionnelle dans le secteur de l'animation, et ne pas le laisser se planter une 2ème fois dans une voie de garage qu'il déteste.

En reprenant un travail de fond plus tard : améliorer nos relations avec la Mission Locale. développer un projet d'insertion par la culture. Pérenniser les projets individualisés (certains vont rigoler, là..!)


Mais j'en connais un qui débarque en octobre et qui risque de jouer aux quilles avec tous ces beaux projets!

A suivre donc


A plus


Ababakar

26 août 2009

Départ n17 : Antoine


Salut!

Je reprends la route du blog bien que je sois toujours en vacances pour consigner ici le départ d'Antoine, un jeune en mal-être ++ (ça y est je reparle "éduc", ça ne vous lâche pas comme ça), dont vous avez déjà pu suivre les aventures dans la rubrique "l'évènement de la semaine)

Suite à une sérieuse tentative de suicide il y a quelques mois, la référente sociale d'Antoine avait dans la foulée valider son projet de départ dans le Sud de la France auquel il s'accrochait comme il se cramponnait désormais à la vie.

Proposition fut faite de faire le lien avec le Conseil Général d'un département sudiste.

M'enfin.. à part cet accord de principe.. la lourdeur de l'administration.. les congés.. la situation d'urgence écartée et la peur oubliée.. la situation s'est enlisée, semaine après semaine.

En utilisant notre "petite parcelle de pouvoir", nous nous sommes déménés pour qu'Antoine puisse au moins partir quelques temps en vacances là-bas, avec en point de chute une gentille (??) tante difficile à joindre.. mais plutôt partante pour l'expérience..


Notons qu'un belle avance d'argent a été faite à Antoine pour financer ce séjour.


Antoine est parti un mois. Et il n'est pas rentré.

Il aurait réussi à obtenir un APJM là-bas, dixit lui-même.
Il a laissé toutes ses affaires ici. Voilà ce que m'a appris ma collèque par tel il y a quelques jours.

J'ai croisé son copain Jérôme en ville hier. Antoine lui a dit qu'il ne remontait pas dans le Nord car nous ne lui avions pas donné l'argent du retour. Bizarre.

26 juil. 2009

Départ N°16 : Yolande


Salut'

Elle est partie depuis un mois déjà, Yolande, et je n'ai pas encore pris le temps de parler d'elle.

Yolande vivait déjà depuis 5-6 ans sur une "unité de vie collective"de ma structure , avec d'autres "10-18" ans, lorsqu'elle a été accueillie sur notre "unité de vie semi-collective".

Au terme de ces 5-6 années, et à l'approche de sa majorité, il semble que ses éducateurs aient pensé qu'il était temps que Yolande tente une nouvelle aventure, en quittant la place sécurisante et cocoonée qu'elle s'était créée à force de patience, de ruse et de caractère.

Yolande est restée un an sur mon groupe. Ce qui a eu le mérite de la bousculer dans un fonctionnement bien établi. Il y a certainement des tas de chose à dire sur elle, sur son évolution et les différentes phases que nous l'avons vue traverser. Pourquoi n'ai-je alors pas envie d'en disserter?

J'ai beau réfléchir, je ne trouve pas de réponse. Peut-être parce que je ne me pose pas de question.


Hum, en vrac : 2 tentatives de collocation compliquées, la découverte des matchs de volley-ball du samedi soir, des relations familiales en dents de scie , un parcours scolaire construit et investi, un positionnement plus adulte et "posé" dans sa relation aux éducateurs, à ses collègues de stage, aux enfants encadrés lors de ses stages BAFA.

Yolande est partie dans de "bonnes conditions", c'est à dire de son propre choix réfléchi avec nous et sa référente sociale, avec des envies et des projets en tête. Tout ce qu'on peut souhaiter!

Et j'attends de ses nouvelles.

A bientôt


11 juil. 2009

Départ N°15 : Patricia

Salut'

Un petit Post pour évoquer le passage dans mon service d'une jeune majeure de 18 ans à peine, Patricia, arrivée il y tout juste 5 mois et demi et partie il y a une quinzaine de jours.

Un petit bout de jeune femme (trop) discrète, polie, respectueuse, bref le rêve de tout éducateur qui n'aime pas "recadrer" à longueur de journée, voire crier, voire très fort, et finir sa journée dans un état de stress qui défie l'imagination de nos décideurs politiques et autres financeurs (oups, ça m'a échappé).

S'étant fait doucement virer de chez l'assistante maternelle qui l'accueillait auparavant, Patricia a été accueillie sur mon groupe avec l'idée qu'une prise en charge basée sur la semi-autonomie la forc
erait à s'impliquer plus dans la gestion de sa propre vie (au moins en devant organiser et gérer son quotidien).

Son quotidien ne lui a posé aucun problème (ménage, courses, repas etc..)

Un hic, Patricia a été accueillie dans un projet de recherche d'emploi et de départ rapide, hors elle ne fait aucune démarche de sa propre initiative. Pourquoi? Et pourquoi se ferme-t-elle complètement et systématiquement dès que l'on aborde sérieusement ce sujet avec elle?

Fort de son constat, nous nous appuyons sur la relation qu'elle a tissé avec une autre jeune majeure, elle aussi en recherche d'emploi, pour l'accompagner dans ses démarches. Il apparait qu'elle est en effet très en difficulté pour les effectuer, qu'il s'agisse d'être au téléphone ou en entretien, de définir quels employeurs cibler ou comment les démarcher. Pire, je pense qu'elle ne supporte
réellement pas être confrontée à ces difficultés ; d'après les regards qui obscurcissent son visage, peut-être même nous en veut-elle alors de la pousser à s'y confronter, quand bien même nous sommes à ses côtés pour l'aider à y faire face. (fichtre qu'elle est longue cette phrase)

Les mois passent, les échéances de contrat APJM d'un mois se succèdent, toujours plus dangereuses. Patricia est "border line" de nous quitter, faute d'implication réelle dans "son" (?) projet.
Elle échappe une première fois à l'exclusion en trouvant in extremis un stage de deux semaine dans son secteur professionnel.

A la fin du mois, son référent social vient la rencontrer : il vient d'apprendre (et nous en informe) que Patricia n'est pas allé au terme de son stage. Son copain s'est fait passé pour un professionnel de la Mission Locale qui la suit et s'en est excusé auprès du responsable de stage.
Patricia a dit à chaque éducateur depuis quelques jours qu'elle ne souhaite pas quitter notre "unité de vie", mais "attend qu'on la vire."


Objectif de la rencontre du jour : la forcer à prendre sa vie en main, en faisant ses propres choix et en arrêtant de subir. La rencontre tripartite (Patricia, son référent social et moi) est menée vraiment avec précision et professionnalisme, comme rarement. C'est un succès.

Patricia demande à partir. Elle va vivre chez son copain. Qui vit chez sa mère. Avec son frère et ses 3 sœurs et le compagnon de Mme et un nombre incalculable d'animaux.


Patricia ne semble pas réjouie d'avoir fait son choix. L'est-il d'ailleurs réellement? Ne répond-elle pas au désir de cette famille? ("Mme C. veut m'accueillir" dit-elle dans l'entretien..)


Elle est un peu troublée quand son référent lui fait comprendre que l'héritage sur lequel elle compte a perdu un "0". (il passe de 100 000 euros espérés à 10 000, au mieux)

Elle est choquée (et c'est rare!) que l'on aborde avec elle le thème de la maternité et la responsabilité que cela implique. Son référent ne veut pas "devoir la rencontrer dans 5 ans pour placer son enfant". (ah oui c'est un peu raide dit comme ça, mais c'est le but!)

2 semaines après son départ, la rumeur la dit enceinte de deux semaines. Patricia, c'est en croisant très fort les doigts que je ne te dis pas "au revoir".

Bon courage

Ababakar

29 juin 2009

MJ forever

Safia déboule dans le bureau.

"- tu sais ce qu'il s'est passé.. c'est dingue.. ils parlent que de ça, partout.. sauf dans les p'tits journaux, là..j'sais pas pourquoi ils en ont pas parlé dans 20 minutes ou dans Metro? t'es pas choquée, toi?

- ben.. non..

- ça te fait rien qu'Il soit mort? et si jeune?

- .. pas vraiment

- faut dire, il a commencé tôt, puis avec son père, il avait pas la vie facile.. il le frappait et tout. Oui.. mais ça te fait quand même quelque chose, à l'intérieur, quand t'y penses?....... moi, j'suis..pff..j'sais pas quoi dire............ Hé! moi j'ai une copine, elle est en plein deuil, je devais la voir ce midi et elle est même pas venue.. elle doit être maal.. elle l'écoutait tout le temps.. même elle m'avait donné des morceaux de lui.. sur mon MP3.. écoute Maïa.. t'écoutes?

- oui oui, vas-y"

Nana, qui écoutait la conversation quasi-monologuesque je le concède, vient s'y joindre:

"- faut pas toucher au roi de la pop!.. Y'a pas intérêt de dire du mal.. Moi, à mon ancien foyer, on avait appris à danser comme lui et j'avais vu son clip avec plein de morts, là, et plein de sang.. tu vois quoi? J'adore.

- C'est à cause de son père qu'il s'est fait refaire un peu le nez parce qu'il lui disait qu'il ressemblait à un monstre, c'est dégueulasse, hein?

- Et les médecins, ils ont peut-être donné une dose de trop qu'ils disent à la télé. Du.. du Démoral, j'crois.. ..Ca l'a peut-être fait mourir?..

- Façon, ils vont faire l'autopsie, on va l'savoir..

Et toutes deux me relatent l'actu interplanétaire qui défraie la chronique des dernières 24 heures, avec plus ou moins de précision et plus ou moins d'interprétation: sur sa famille nombreuse, sur son père qui l'obligeait à écrire des chansons à 4 ans (!!!), sur ses concerts londoniens qui seront remplacés par des vidéos et des sosies, sur ses dettes, etc.

"- En plus, y'en a qui ont profité de son argent, c'est dégueulasse, il a plein de dettes, et c'est même pas de sa faute, tout ça parce qu'il a été trop gentil

- Putain, faut pas dire du mal du roi de la pop, ça va aller mal. (Loïc Lantoine, si tu m'entends..)

- ouais, mais y'en a qui l'aimaient pas, t'y peux rien.

- M'en fous, on crache pas sur un mort, et encore moins sur lui! J'aime pas ceux qui l'aiment pas, et puis il ne doit plus beaucoup de sous.. 350 000, je crois.. ouais, 350 000 ,c 'est ça."

Et Nana se met à me dévisager avec insistance en tentant un regard théâtralement très méchant qui la caractérise si bien.

Le sourire que j'esquisse l'énerve visiblement.

" - Quoi? (agressivement) J'le défends moi! Et je le défendrai toujours!"

Et en se levant et se penchant vers le bureau, elle crie:

"- Et il a jamais rien fait aux enfants, tout ça c'est pour lui faire du mal, c'est des jaloux, c'est inventé, c'est n'importe quoi, c'est une star! Putain."

Je la regarde, je ne réponds rien. Elle se rassoit.

Puis, calmement, elle me lit le SMS qu'elle a reçu et qui ressemble à peu de choses près à ceci: "Si tu as un peu de respect pour le roi de la pop, que tu reconnais son immense talent et que tu aimes son môôn-waal-kèr (sic), passe ce message à tous tes amis."

"- Et qu'est-ce que tu vas faire de ce SMS?" demandé-je naïvement.

"- Ben je vais le renvoyer à tous mes numéros, je peux bien faire ça pour lui!"

Safia et Nana ont 19 ans toutes les deux. Je n'ai pas bien réfléchi précisément à ce que ça réactive chez chacune d'elle, parce que parfois j'essaie de ne pas toujours tout interpréter, pour juste vivre le moment, sans rien de plus, sans surchauffe de l'esprit et sans leur bloquer la parole par mes pensées bien loin de leur réalité . Ce qui est certain, c'est que le père violent, la mère aux côtés, les histoires d'abus sexuels, l'argent, ça ne les laisse pas indifférentes. Et pour une fois qu'un point d'actualité les touche..

21 juin 2009

Départ N°14 Britany

Salut!

Je voulais me servir de cette rubrique tombée un peu en désuétude pour archiver le passage dans le service de Britany, et son départ la semaine dernière dans des conditions plutôt bonnes. Britany nous avait rejoint pour "acquérir plus d'autonomie" qu'elle n'en avait alors sur l'unité de vie collective où elle vivait déjà depuis quelques temps.

Il s'agissait surtout de lui permettre de grandir un peu, loin des dynamiques de groupes pré-adolescentes.

Britany a poursuivi sa scolarité avec sérieux et réussite (? on attend les résultats!). Elle a pris confiance en elle, physiquement j'entends ; elle soigne d'avantage son apparence. Sa relation aux éducs est devenue moins affective, moins exclusive ; ses relations avec les autres jeunes sont moins agressives, plus tempérées, plus patientes. En ce sens Britany est devenue plus "adulte". Elle a aussi renoué des liens totalement rompus avec ses parents, après avoir su en partie accepter leurs difficultés et ce qu'ils lui ont fait vivre enfant..

Britany a intégré cette semaine le service d'accompagnement des jeunes majeurs situés en centre ville, ce qui représente encore plus d'autonomie et une nouvelle marche à grimper pour devenir un adulte autonome.

Bon courage

31 mai 2009

Départs N°12 et 13. Marco et Cécilia. Le Guet-apens


Salut'

Dimanche soir dernier, ma collègue a été interpelée par une éducatrice d'un autre groupe, à la recherche d'une jeune fille de 17 ans, Leila, arrivée nouvellement en urgence sur son propre groupe, et disparue depuis une petite heure.

Or les studios des jeunes que j'accompagne en semi-autonomie sont le lieu rêvé pour trouver refuge..

Ma collègue fait le tour des studios (notons que nous avons un passe) et se trouve finalement dans l'impossibilité d'ouvrir celui de Marco, jeune garçon de 18 ans, ce dernier ayant apparemment (encore) changé le barillet de sa serrure.

Certaine que Marco est chez lui, ma collègue tambourine à la porte, et il finit par ouvrir au bout de plusieurs minutes. Leila est là (leila ouhouhouhouh ouhouhouh) ma collègue est très en colère et la fait sortir manu militari.

Hum..je dois préciser que les jeunes en studio n'ont pas le droit d'accueillir des jeunes des autres groupes, encore moins du sexe opposé..

Dans la nuit, une autre jeune de mon service, Cécilia (18 ans), affirme à une surveillante de nuit posséder une vidéo de Marco et Leila "ensemble", ce dont la surveillante de nuit nous informe via un rapport informatisé dont je prends connaissance le lendemain matin.

Le soir même, alors que je passe devant la structure en rentrant chez moi, je vois un gros attroupement d'une vingtaine de personnes très énervées : Marco, Cécilia, Leila et sa mère sont là, quelques éducs et un tas de jeunes. Je m'arrête et je file un coup de main à mes collègues pour dissiper un peu le groupe, "rentrer les jeunes", et je constate que Cécilia est à la fois très en colère et meneuse de toute cette petite troupe qui s'acharne crescendo contre "la nouvelle" depuis une semaine, Leila.

Comme j'essaie d'isoler Leila en la prenant à part et en tentant de discuter avec elle, je m'aperçois qu'elle refuse toute responsabilité dans l'évènement du soir, ce qu'elle me répète plusieurs fois en hurlant, autant à destination des autres jeunes que moi : "J'ai rien fait de mal moi! C'est pas moi qui me fait enc.. c'est pas moi qui me fait enc. par Marco etc.. " sic

Finalement tout le monde se disperse, je laisse le relai à mes collègues qui s'en sortent très bien et je rentre chez moi.

Le lendemain est notre jour de réunion d'équipe hebdomaire. J'en apprends bien plus sur la situation. J'apprends notamment (les sources sont floues) qu'un vidéo tourne sur les portables des jeunes ; le sujet de la vidéo : "Marco et Leila en pleine scène de sodomie dans le studio de Marco" Il semble que Cécilia soit la réalisatrice et à l'origine de la diffusion. Nous comprenons aussi qu'il s'agit d'une video réalisée sans le consentement de Leila, piégée par Marco et Cécilia, cachée dans sa salle de bain (en compagnie d'une autre jeune fille de 15 ans qu'elle a sous sa coupe..)

Dans la même matinée de réunion, Cécilia, en formation, nous appelle pour nous demander si nous pouvons lui apporter son portable ce midi sur son lieu de formation , elle l'a oublié chez elle..
Au delà même de cette situation et de cette demande pour le moins inhabituelle et curieuse, nous avons dès lors ce portable sous la main. Qu'en faire?

Décision d'équipe, chef de service présent, nous fouillons dans le portable, à la recherche de la vidéo. Après quelques tribulations dues à des écueils technologiques, nous trouvons la vidéo, dont les quelques secondes entre-aperçues non sans répugnance ne laissent pas de doute sur les protagonistes et les lieux.

Nous informons le directeur de la situation, de la vidéo en notre possession. Nous apprenons en même temps qu'une plainte a été déposée par la mère de Leila (contre qui? pour quoi?) L'affaire prend une tournure très compliquée.

La réponse de la direction ne se fait pas attendre. Marco et Cécilia sont exclus dans la foulée. La vidéo doit être effacée.

Fin?


14 mai 2009

Evolution, dérive, crise?

Il y a encore quelques années, les situations financières critiques étaient rares auprès des jeunes femmes que nous accueillions.




Je me souviens de K. qui avait une dette SNCF de 800 euros. Enooorme! Elle était partie "dans le Sud" (parce que l'herbe y est plus verte?) sur un coup de tête, sans billet de train. Puis elle est revenue, elle n'avait pas l'argent pour payer l'amende et sa dette avait été transférée au Trésor Public.





Ensuite, C., deuxième cas isolé, un ou deux ans plus tard. Elle avait demandé une carte de crédit et quand elle l'a eue, elle a acheté tant qu'elle a pu pendant deux jours. Yihou! fringues, coiffeur, chaussures et resto, la grande vie, quoi! Elle savait bien qu'elle n'avait pas l'argent sur son compte, mais ça continuait à fonctionner! Je ne me souviens plus du montant du découvert bancaire, quelques centaines d'euros, voire un petit millier?



Puis, ces situations sont devenues un peu plus fréquentes avec les dépassements de forfaits de téléphonie mobile, et la valse de courriers de pression et de menaces d'huissiers appréciée de ces chers opérateurs..

Et aujourd'hui, nous gérons toute une flopée de situations de ce genre. Les plus courantes sont les dettes de transport en commun. Chez les jeunes femmes, nous entendions beaucoup dire il y a quelques temps: "surtout ne paie pas, une fois que t'es fichée, ils te retrouvent et ils te prennent tout, faut jamais faire ça". Aujourd'hui, elles se sont rendu compte que payer tous les mois, 35 euros (c'est le minimum accepté pour un échéancier T.P.), même pendant 2-3 ans, ben.. ça fait mal!


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Mais ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant la multiplication des dettes, c'est surtout leur banalisation.

Il y a encore cinq ans, autant dire hier, nous aidions les jeunes femmes à économiser la somme de leur unique amende Trspl de 22 euros sur une ou deux semaines afin de pouvoir régler au plus vite. Au pire, nous les laissions se rendre seules au service contentieux pour tenter de négocier une baisse. Elles devaient alors s'expliquer elles-mêmes. Nous estimions que si elles n'avaient pas acheté leur titre de transport alors que la somme suffisante leur était distribuée chaque semaine, elles étaient capables d'en assumer les conséquences.

Il y a quelques semaines, autant dire aujourd'hui, nous en sommes à rédiger au mieux une demande argumentée d'échéancier au Trésor Public pour que le paiement s'échelonne le plus possible, tout en demandant parallèlement à la société de transport de ne pas transférer trop vite la dette au service de recouvrement.

Non pas que nous nous sommes habitués, mais ces situations récurrentes plongent parfois les filles dans un tel marasme, que nous pensons qu'il est utile de les accompagner dans ces démarches, tout en poursuivant le discours "quand on pose des actes, on les assume ensuite".

Pour d'autres, ça leur passe vraiment au-dessus de la tête, mais alors très très loin au-dessus, et si nous ne les interpellons pas sur le sujet, elles repartiront avec leurs enveloppes de relances non ouvertes, estampillées Trésor Public - République Française; pour celles qui ne les jettent pas dès leur réception.. pour ne surtout pas voir.

14 avr. 2009

Centre maternel


Elle est enceinte de six mois, sans ressources, elle ne veut pas vivre avec son copain pour le moment.. et elle souhaite visiter quelques maisons maternelles qui accueillent de futures mères et des mères d'enfants de moins de trois ans .



Le temps passe.. quelques semaines.. et malgré les démarches actives, rien de concret ne se profile. Il faut dire que sa situation administrative ne la place pas en position prioritaire..

...............


Il y a quelques jours, nous avons rendez-vous dans un centre maternel, finalement!

Elle expose sa situation, ses motivations, et nous visitons!

Une place est libre, et elle lui est proposée sur-le-champ! mais il lui faut donner sa réponse le lendemain matin..

La pression monte pour elle, ses pensées l'obsèdent, ses questions se multiplient, elle se sent pressée et oppressée, et elle ne sait plus si ça l'intéresse.. elle en parle autour d'elle dans l'après-midi..

Le lendemain, sa décision est prise, elle refuse la place.

...............

Nous rediscutons longuement de sa décision, et nous formulons toutes les deux quelques hypothèses pour tenter de nous expliquer ce qu'il se passe:

Première hypothèse:

Elle vient de prendre conscience de ce qu'est un centre maternel et elle ne veut pas que son fils naisse dans un foyer, elle voudrait même lui éviter ça à tout prix. Elle a vécu elle-même plusieurs années en foyer, et elle va devenir Maman, adulte et responsable, donc la vie sous assistance éducative ne lui convient plus, et ce n'est pas bon pour son enfant à venir.

Deuxième hypothèse:

Sa copine, à qui elle explique son désarroi, dans l'urgence de la décision à prendre, lui propose de venir vivre chez elle, dans un appart à deux chambres, en centre ville. Elle a donc une solution d'hébergement, et même si ce n'est pas la meilleure à moyen ou à long terme, c'est néanmoins une solution ; et qui peut lui éviter le foyer dans l'immédiat. Elle pensait jusque là ne pas avoir de choix.

Troisième hypothèse:

Elle adopte lors de l'entretien une attitude assez fermée, que nous expliquons par le fait qu'elle est un peu impressionnée, que nous sommes très en retard (changement du lieu de RV non communiqué), que le ton est assez directif, et qu'elle n'aime pas trop les entretiens en général, elle le reconnaît..
De ce fait, il lui est demandé si elle a un caractère facile, elle répond que non. Il lui est demandé si elle accepte facilement les conseils et si elle les suit, elle répond qu'elle peut les écouter, mais qu'elle ne les suit que si elle les pense bons, et qu'en général, elle sait à peu près ce qu'elle a à faire. Il lui est alors demandé si elle pense pouvoir vivre en collectivité, et si elle sait que les autres mamans peuvent parfois faire des remarques (justifiées ou pas) sur la façon d'élever ses enfants, elle répond qu'elle saura se positionner. Il lui est demandé si elle a tendance à se battre (physiquement), elle répond que non, pas du tout.
Pour résumer, elle a vécu cet entretien comme un interrogatoire, beaucoup trop inquisiteur à son goût, et elle ne s'imagine absolument pas vivre en cotoyant au quotidien cette personne qui l'observe et lui rappelle ses points faibles (et ses erreurs passées). Voilà donc ce qui appuie son refus.

................

Position de l'équipe:

Notre objectif éducatif est désormais qu'elle puisse partir dans les meilleures conditions possibles, sachant qu'elle vient de refuser une possibilité correspondant à ce qu'elle souhaitait et que rester en MECS jusqu'à 6 mois de grossesse, c'est déjà bien! Nous lui laissons donc un petit mois pour se trouver une solution satisfaisante, et bien entendu, nous l'accompagnerons dans son choix, dans la mesure des possibilités du service.

30 mars 2009

OFPRA, CIMADE, CNDA, AJ, OQTF?

Bonjour

Une situation d'urgence occupe pas mal de mon temps ces jours-ci.. Mais tout est à remettre dans l'ordre.. J'hésite entre la fiche technique, le récit d'un court séjour ou l'événement du jour, mais difficile de faire un choix, ce sera un peu de tout.



........LES FAITS........
Il y a trois semaines, nous accueillions une jeune femme qui venait d'être déboutée de sa demande de statut de réfugié par l'OFPRA.

Elle a un mois pour faire appel à compter de la date de notification du rejet, il reste trois semaines quand elle arrive dans le service!



........QUE FAIRE?........
La première étape fut de se mettre au fait de sa situation particulière, puis de se renseigner auprès de services compétents.

J'apprends assez rapidement que:
- la juridiction compétente est la CNDA, et c'est à Paris.
- l'intervention d'un avocat est vivement conseillée
- l'aide juridictionnelle est à constituer dès que l'avocat sera trouvé
- de moins en moins d'avocats acceptent de travailler avec l'aide juridictionnelle (c'est la crise pour tout le monde!)
- les avocats "du coin" ne se déplacent pas à Paris, ou facturent leurs déplacements (à titre indicatif, 2 000 euros!)

La deuxième étape fut de contacter un avocat du Barreau de Paris, renseigné par des confrères travailleurs sociaux. L'avocat (ou plutôt son standard, puisque le barrage n'a jamais été franchi) nous demande d'envoyer la notification de rejet de l'OFPRA pour que "Maître W puisse se prononcer"..et répondre, par courrier uniquement! Par téléphone, nous harcèlerons un peu l'étude pour avoir une réponse rapide (le délai se réduit!) pour finalement recevoir la lettre informant que Maître W ne se constituerait pas pour cette situation! C'est lors du dernier appel insistant que j'apprends que l'enregistrement d'une aide juridictionnelle suspend le délai de recours, et que nous pouvons lancer la démarche dès à présent! (Merci pour l'info!) La consigne première était d'attendre la réponse de l'avocat pour remplir le dossier d'AJ..! Il reste 10 jours!

La troisième étape est assez dense: j'appelle les assoc de défense de droit des étrangers, les services administratifs, les ex-collègues, les connaissances, toutes les personnes susceptibles de me donner un tuyau, même petit, pour avancer rapidement et sûrement! Et je m'arrête quand j'ai une solution!

J'apprends que:

- effectivement , il y a peu de chances d'aboutissement du recours sans avocat

- La date de réception de l'AJ par le bureau compétent suspend le délai du recours (de combien?) il est donc à constituer au plus vite.

- La CIMADE peut instruire le recours, l'envoyer et quand l'avocat sera nommé d'office (par l'intermédiaire de l'AJ), nous recevrons ses coordonnées et nous pourrons le contacter. En théorie, il reprendra le dossier et défendra le requérant auprès de la CNDA lors de l'audience, vous suivez?

Sur ma lancée, j'envoie donc en recommandé avec AR le dossier d'aide juridictionnelle, et je prends RV à la CIMADE pour cette jeune femme, au premier créneau disponible pour eux.


........HIER, A LA CIMADE........
- Il reste 3 jours. Où en est-on?
- Nous attendons la confirmation de réception de l'AJ, qui bloquera l'échéance. Oui, mais pendant le traitement de la demande d'AJ seulement, soit environ 15 jours, car le délai reprend le jour de l'accord d'AJ. En bref, quand l'accord AJ sera donné, il restera 48 heures pour constituer le recours et qu'il soit reçu par la CNDA, donc urgence pour la constitution du recours dans tous les cas.
- La jeune femme concernée va à nouveau devoir raconter ses traumatismes, tentant de donner davantage de détails dans le but d'apporter des éléments nouveaux au dossier..
- le recours sera rédigé par la Cimade, il comprendra deux parties: la première amène des détails et éléments nouveaux à la demande, la deuxième partie conteste la décision de l'OFPRA et contre-argumente le rejet.
- Sachant que le récit de vie initial est déjà très précis et qu'il n'y a pas de nouvelles pièces à ajouter, les chances d'aboutissement positif sont menues. Mais si le recours n'est pas envoyé, l'OQTF ne tardera pas..
- Nous tentons alors de faire le tour des autres possibilités: cette jeune femme ne rentre pas dans les critères pour la demande de naturalisation, car la prise en charge de l'ASE est arrivée après ses 16 ans.. pas la peine de tenter d'établir un passeport, puisqu'une demande d'asile est en cours.. pour le titre de séjour, il faudra attendre car elle a déjà un récépissé l'autorisant à rester sur le territoire français pendant la demande d'asile..

En bref, peu de chances d'obtenir l'asile, et pas d'autres démarches possibles pour le moment pour garantir quoi que ce soit..

- Nous laissons les documents importants du dossier, pour que la CIMADE puisse rédiger le recours, et nous revenons le lendemain matin!


........AUJOURD'HUI........

- Il reste 2 jours!

- Le recours n'est pas encore rédigé entièrement quand nous arrivons à la CIMADE, nous échangeons sur les détails et aussi sur les points cruciaux, et nous vérifions l'exactitude des données. La jeune femme répond aux questions restées en suspend la veille.

- Nous retournons au foyer pour faire des copies du dossier que nous allons envoyer dès qu'il sera prêt. Le tout est à envoyer en deux exemplaires. Nous ajoutons les pièces jointes, à paginer (une vingtaine)

- Nous partons à la Poste, pour envoyer le tout en RAR, afin qu'il parte aujourd'hui, et qu'il arrive au plus tard après-demain, dernier jour du délai!



........LEXIQUE........

OFPRA: Office Français Pour les Réfugiés et Apatrides.

CNDA: Cour Nationale du Droit d'Asile

AJ: Aide Juridictionnelle.

DRIJE: Dispositif Régional d'Information aux Jeunes Etrangers.

OQTF: Obligation de Quitter le Territoire Français.

CIMADE: comité créé en 1939 (initialement pour apporter un soutien aux personnes évacuées). Aujourd'hui, la Cimade est une asso de solidarité active pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile.



........FICHE RÉCAPITULATIVE........
Recours auprès de la CNDA suite à un rejet de l'OFPRA du statut de réfugié.

- l'appel est à constituer dans un délai d'un mois
- la demande d'aide juridictionnelle est à constituer au plus vite, même si parallèlement on peut chercher un avocat. Pendant l'instruction de la demande d'AJ, le délai pour le recours est suspendu.
- le recours est à construire avec un service compétent, car mieux vaut être rompu à l'exercice pour s'y aventurer (une signature manquante ou un oubli de pièce jointe suffit à voir sa demande rejetée)
- dans le cas où le recours serait rejeté également, se renseigner rapidement sur les autres possibilités administratives: passeport, naturalisation, titre de séjour..

21 mars 2009

descente aux enfers


Salut'




L' évènement de la semaine (publié avec une semaine de retard pour laisser s'exprimer Maïa (woh l'excuse^^)) concerne à nouveau le jeune Antoine. On va dire qu'il cherche à marquer son époque. Une chance pour vous, vous allez ainsi avoir la "suite", une fois n'est pas coutume..

Alors suspense... la réponse est OUI! deux fois OUI! Antoine est bien rentré à l'heure ce soir là, et même bien en avance! Il s'est levé seul le lendemain et est bien allé travailler! (ce qui a été vérifié par un appel de ma collègue, très professionnellement dubitative) Alors la réponse à la question "Pourquoi j'ai fait ça?" J'ai envie de répondre : "l'instinct éducatif, le talent, la compétence, cette intuition fine qu'il faut savoir être souple dans l' accompagnement, surtout si cela est une occasion pour le jeune de faire ses preuves, et de créer ainsi une relation de confiance avec l'adulte." mais ce serait mentir.. Je continue à croire qu' initialement il s'agissait simplement d'une faiblesse. Deux jeunes mettent un peu la pression à l' éduc, sans être toutefois dans l'irrespect qui conduit à l'opposition et au conflit. Et c'est pour cela que d'abord, je n'ai pas su appliquer purement et simplement le règlement.

Ensuite, je pense avoir été au même moment conscient de cette faiblesse, et je me suis raccroché aux branches pour y mettre un sens éducatif en répétant un schéma classique de la relation éducative : "je fais un effort en prenant sur moi en terme de responsabilité, je compte sur toi pour être réglo"

Nous étions, je le rappelle, un vendredi soir.. Antoine est allé travailler le samedi, et ce fut son dernier jour. La semaine suivant, n'allant pas en cours, il nous informe que son contrat d'apprentissage est rompu ; lui et son employeur "en ont parlé et ils sont tombés d'accord" sur ce point..




La semaine passe. Nous sommes désormais vendredi matin. Je travaille seul, toujours. En arrivant je lis le rapport de nuit. Ma collègue et un surveillant de nuit ont constaté la veille au soir en partant, vers 22h, qu'il régnait une odeur suspecte de cigarette magique dans le studio d'Antoine, ce qu'ils lui ont fait remarqué. J'apprends ensuite en lisant le cahier de bord qu'elle pense aussi qu'Antoine a bu devant la structure en début d'après midi. Et sur ce je commence ma matinée. Au programme "tour des studios" pour vérifier qui est présent.. Il est 9h, Antoine dort, dans sa chambre et dans le noir, normal..
Je m'absente ensuite de 9h30 à 10h45 pour conduire un autre jeune à un rendez vous médical.
A 11h30, je m'apprête à partir à la banque avec un autre jeune quand je croise Antoine dans la cours de l'établissement. Il me dit bonjour sans s'arrêter et me demande si notre infirmière est présente ce matin. Ce n'est pas le cas. Il poursuit son chemin toujours sans s'arrêter.
20 secondes plus tard, on m'appelle. C'est Sandrine, une autre jeune, qui m'interpelle à travers la cour et me demande de venir. Antoine est avec elle. Arg, je sens qu'il y a problème.
Je m'approche et nous rentrons dans le bureau. Sandrine demande à Antoine de me montrer ce qu'il s'est fait.
Celui-ci rechigne un moment puis me montre son poignet droit. Celui-ci porte plusieurs traces de coups de rasoirs superficiels. Antoine dit que "ce n'est rien" comparé à l'autre bras, qu'il rechigne à montrer toutefois. Il le montre finalement assez rapidement. C'est moche. Son bras gauche est tailladé sur toute sa surface du coude jusqu'au poignet, et recouvert de beaucoup de sang séché.

Certaines coupures sont des plaies relativement larges.

Je demande à Sandrine de nous laisser, et je commence à nettoyer ses coupures avec les produits adéquats. Il se laisse faire. Comme certaines coupures sont larges, il accepte d'aller les faire nettoyer aux Urgences.
J'informe mon chef de service de la situation et nous partons rapidement. Quelqu'un nettoiera ses plaies aux urgences puis Antoine sera admis en pédiatrie. Lors de l'entretien d'admission il dira ne pas avoir de regret si ce n'est celui de "ne pas avoir réussi à se tuer." Il "recommencera jusqu'à ce qu'il y arrive". Il est actuellement toujours hospitalisé en pédiatrie, en attente de rencontrer un pédo-psy.
A suivre..
Epilogue:

Alors que je retourne sur la structure pour lui ramener quelques affaires personnelles et pour m'occuper de ses draps "stp, il sont tachés de sang" la scène est assez glauque. Ses draps sont effectivement tachés de sang sur toute leur étendue. La housse de couette aussi. L'alèse et la taie d'oreiller également. En triant un peu de linge, je trouve dans son panier à linge une serviette de toilette et des torchons à vaisselles très largement imbibés de sang.. A côté de son lit, un portrait recouvrant presqu'entièrement une page format A4, peint avec son sang.

Une inscription.. Fuck The Life.

20 mars 2009

Un profil

Salut
Le jeune homme précédemment cité me fait penser à une jeune femme de 19 ans, hébergée depuis deux mois environ dans le service.

Durant le premier mois de séjour, elle nous parait lisse, elle montre des conduites sociales appropriées, tant avec nous qu'avec les autres hébergées et elle se charge de ses démarches administratives sans grande difficulté. Mais nous notons cependant rapidement qu'elle semble "se contenir".
Tout récemment, elle commence à se liguer avec une autre jeune femme accueillie et dont le comportement est souvent "à reprendre".

Quand je lui parle, hier soir, de notre vigilance accrue désormais quant à la conso de cannabis, suite à nos récents constats; elle me demande en quoi ça nous concerne si ça se passe dehors..

Je lui rappelle d'abord que cette consommation reste illégale en France. Et je lui explique ensuite que ça nous concerne car il me semble qu'elle ne fume pas seule. Ca nous concerne aussi parce qu'elle s'éloigne peu du foyer (10 minutes) et que nous nous soucions du voisinage. Et ça nous concerne parce que notre rôle est aussi de faire de la prévention santé. Et ça nous concerne parce qu'elle semble se cacher de moins en moins. Et ça nous concerne enfin parce qu'il semble qu'elle décroche un peu de sa formation, et que c'est peut-être lié, et que s'en soucier fait partie de notre accompagnement éducatif auprès d'elle.

J'ai tenté d'être peu moralisatrice, mais je devais bien quand même reposer le cadre légal. C'est seulement après que je me suis rendu compte que ma discussion ne semblait pas l'avoir génée du tout. Et je me suis demandé aussi si elle n'allait pas simplement sortir un peu plus longtemps.. pour aller fumer un peu plus loin.. Néanmoins, l'objectif était de lui signifier que nous avions bien perçu ce qu'il se passe.
Quelques jours auparavant, une collègue avait déjà abordé la question et S. s'était assurée qu'elle ne serait pas virée tant qu'elle ne consommerait pas intra-muros..


Progressivement, elle prend des libertés, elle cache des choses, elle parait indifférente à tout.. ce qui est rarement de bonne augure selon moi. Je me méfie de l'eau qui dort.

Cette jeune femme est arrivée il y a deux mois et j'estime que nous ne la connaissons absolument pas. Le climat de confiance ne s'instaure pas. Rien ne m'étonnerait de sa part. Je la sens capable de violence extrême. Je pense que le jour où elle s'énervera, elle cassera tout sur son passage, parce qu'elle n'aura rien à perdre.