Abonnez-vous au Flux RSS de l' "Autre Monde des Educateurs Spécialisés" en cliquant sur le bouton correspondant de votre navigateur.. Si si! Cherchez bien, il ressemble à ça, et il est juste à côté:

28 mars 2006

La Toilette / l'école / les douches "collectives" !

Euh..je note ici, pour vous, la présence d'un nouveau lien (dans la colonne "liens"..) dirigeant vers le blog d'une éduc, Catherine, publiée ce mois-ci dans "Lien social", un blog à vue de nez bougrement digne d'intérêt..

Salut!

Bon comme vous vous en apercevez je suis un jusqu'au-boutiste, alors quand je promets que vous aurez l'ensemble de mon devoir portant autour d'une réflexion sur le quotidien, je jure que ce sera une promesse tenue (même si pour moi le copié/collé c'est pas très motivant!) Voici donc la suite, qui porte sur la toilette; or Attention! Après lecture il vous sera désormais impossible de dire "se laver une fois par jour c'est bien, mais deux c'est encore mieux!" Oui mes inros sont de plus en plus pourries, et alors? la suite est mieux, attardez vous..


Sur le groupe dans lequel je travaille en tant qu’apprenti, en M.E.C.S, le moment de la toilette est, comme le coucher, régi par un certains nombre de règles. Celles-ci préexistaient à l’arrivée dans l’Institution des jeunes qui sont aujourd’hui soumis à ces règles. D’après les éducateurs qui travaillent depuis longtemps sur le groupe, ces règles semblent avoir toujours été les mêmes. 1.Le jeune doit se laver deux fois par jour, le matin de la manière dont il l’entend (douche ou lavabo), et le soir par une douche (ou un bain) obligatoire. 2.Les jeunes âgés de moins de quinze ans doivent se doucher avant le dîner, ceux qui ont plus de quinze ans se lavent au choix avant ou après le repas. Le cadre est posé, il est simple et doit fonctionner puisqu’il en a toujours été ainsi. Dans les faits le nombre de problèmes qu’il pose - et le nombre de questions qu’il ne règle pas- est impressionnant. Les jeunes du groupe, qui ne compte aujourd’hui que des usagers arrivés nouvellement dans l’institution, l’ont vécu comme très contraignant et parfois vide de sens. Quel est d’ailleurs le sens du cadre qui régit ce moment de la vie quotidienne ? En collectivité, il semble important que chaque jeune se lave complètement une fois par jour minimum. On explique ainsi la douche vespérale (du soir!!) obligatoire. Cela a-t-il encore un sens lorsque la pratique observée d’un jeune ne laisse pas de doute possible sur le fait qu’il prend systématiquement une douche le matin ? Pourquoi refuser à ce jeune de se laver au lavabo le soir ? Je pense à un autre jeune, d’une dizaine d’années, qui a fait un passage de quelques mois dans l’institution. Parvenir à lui faire prendre sa douche du soir était un vrai combat quotidien, et la source de crises très violentes de sa part. Il nous aura fallu deux mois pour comprendre que son refus de prendre une douche n’était pas le signe d’une contestation de notre autorité, comme d’autres actes qu’il pouvait poser au quotidien, mais l’expression d’une véritable angoisse sur le fait de devoir se laver dans des douches séparées certes, mais dans une salle de bain collective. C’est bien cet espace collectif qui était pour lui insécurisant, car dès lors que nous avons accepté qu’il « prenne un lavabo » le soir, il se présentait plus facilement à l’heure -et lavé- pour le repas. La situation des deux jeunes que nous venons d’évoquer nous oblige à nous poser la question du respect de l’individu au sein d’une organisation collective. C’est ce questionnement, à partir de toutes les difficultés que nous rencontrions pour accompagner les jeunes autour de ce moment du quotidien, qui a fait l’objet d’une réunion d’équipe. Cette première réunion nous a permis de prendre du recul par rapport à la maltraitance institutionnelle qui pouvait naître d’un fonctionnement qui ne tient pas compte du sujet dans son individualité, et qui ne tolère donc pas l’exception. Une autre pratique est donc née, qui nous permettait malgré un cadre inchangé, de tolérer que certains jeunes passent outre ce cadre, s’ils respectaient certaines conditions. Ceci n’a pu être possible qu’en réfléchissant au sens des règles qui fixaient la manière dont se déroulait la toilette du soir.
Et le retour des petites citations tirées au hasard de Graine de Crapule :
Mieux vaudrait peut-être avoir auprès des enfants malheureux de vieux bagnards parés du titre d'éducateur que certaines âmes de bonnes volonté. Car si les uns peuvent dégouter du vice, les autres dégoûtent de la vie honnête.

20 mars 2006

Le Quotidien / Le coucher / The nightmare part2



Salut!

Voilà la suite sur "le coucher", toujours sortie d'un devoir rendu sur le quotidien; un exemple concret, en M.E.C.S., d'une réflexion sur une pratique éducative institutionnelle:

Je souhaite également faire part d’une réflexion, qui a eu lieu en équipe, sur une de ces pratiques des éducateurs qui ne semblait pas avoir besoin d’être interrogée, puisque tous la partageaient. Un quart d’heure avant leur départ, à 22h30 dans le meilleur des cas, tous -y compris moi-même- prenions le temps d’aller dire bonne nuit à chaque jeune dans sa chambre. Ceci nous semblait important dans le sens où, après des soirées épuisantes à devoir faire de la surveillance et de la discipline, ce moment était l’occasion privilégiée pour être dans une relation individuelle avec chaque usager. Ces instants étaient essentiels pour nous car ils nous permettaient de quitter les jeunes dans de « bonnes » conditions ; le simple fait de leur souhaiter une bonne nuit leur indiquant que les disputes qui avaient pu précéder ne faisaient pas de nous des « ennemis aux intentions malveillantes ». Cependant il ne s’agissait pas uniquement de dire « bonne nuit », mais aussi de serrer la main des garçons et de faire la bise aux filles (ce qui est la pratique générale des éducateurs pour dire bonjour et au revoir aux jeunes de l’établissement). Or cette pratique a fait l’objet d’une réflexion dans un autre groupe, qui était aussi concerné par celle-ci, le groupe des petits, qui accueille les enfants âgés de quatre à dix ans. Les éducateurs, après l’arrivée de nouveaux jeunes dans leur groupe, avaient observé que le « bisou du soir » énervait ceux-ci. Ils s’étaient étonnés que ces enfants puissent alors avoir des comportements érotiques. L’enfant les prenaient dans leurs bras et il était arrivé que l’un deux exécute des frottements masturbatoires. De cet étonnement a émergé l’idée qu’embrasser un jeune dans son lit le soir n’était pas interprété -ou vécu- de la même façon par le jeune et par l’éducateur. Ce constat, soulevé en séminaire clinique, c’est à dire lors d’une réunion qui réunit l’ensemble des éducateurs de la Maison d’Enfants, ainsi que les chefs de service et les psychologues, a rappelé à tous que la chambre était un espace privé, et que la problématique souvent sexuelle du public que nous accueillions pouvait nous laisser penser, a priori, que cet espace avait pu être violé auparavant. Il fallait donc leur restituer cet espace en cessant ces pratiques. La plupart des éducateurs continuaient cependant à défendre cette pratique en argumentant sur le fait qu’elle traduisait une demande de la part des jeunes, qui pouvaient s’expliquer par les carences affectives dont ils avaient été « victimes ». En outre, comment expliquer aux jeunes que l’on n’irait plus le soir leur souhaiter « bonne nuit » dans leur chambre ? Au terme de cette réunion, chacun s’est engagé à essayer, dans son groupe, à ne plus dire « bonne nuit » aux jeunes dans leur chambre, mais éventuellement dans les pièces collectives. Dans les faits, ceci n’a nulle part posé de difficulté de la part des jeunes. Il a suffi aux éducateurs de leur signifier verbalement que désormais ils leur diraient « bonne nuit » en dehors de leur chambre, ce qui n’a soulevé aucune objection de la part des jeunes. Les éducateurs se sont alors aperçus que cette pratique n’était pas l’expression d’un besoin des jeunes, mais plutôt celle des éducateurs, et l’expression de leur affection plutôt que celle de leur professionnalisme. C’est évidemment un constat très difficile à accepter, d’autant plus que cette pratique était partagée par l’ensemble des éducateurs, et n’avait de ce fait jamais été remise en question. Cet exemple montre bien la nécessité pour l’éducateur de toujours s’interroger sur sa pratique, et de lui donner du sens en prenant en compte sa mission et le respect de l’usager. S’il est vrai que les éducateurs ne disent plus « bonne nuit » aux jeunes dans leur chambre, la pratique qui consiste à leur dire « bonjour » et « au revoir » en leur serrant la main, ou en leur faisant la bise -qui a parcouru les débats lors la discussion que nous venons d’évoquer- semble oir été laissée de côté. Cela montre à quel point il est difficile de remettre en question une pratique quotidienne qui s’inscrit dans les habitudes institutionnelles.

18 mars 2006

Le Quotidien / Le coucher / The nightmare

Salut!!

Ca y est la formation me laisse un peu de répit..pour combien de temps? En attendant voici une réflexion sur les rapports entre le cadre et la maltraitance institutionnelle..


Dans la M.E.C.S. où je suis apprenti, le coucher est un moment particulièrement redouté par les éducateurs. Quelle que soit la manière dont s’est passée la journée, une tension est systématiquement palpable autour de 22h. Il faut savoir que deux règles importantes régissent ce moment. La première : en semaine, les jeunes qui ont moins de quinze ans doivent être couchés à 21h30. Ceux qui ont plus de quinze ans doivent l’être à 22h. La deuxième : Lors du départ de l’éducateur, à 22h30, les lumières des chambres doivent être éteintes et les jeunes ne doivent pas en sortir.
Le première règle n’est pas vide de sens : elle exprime la nécessité, pour les usagers les plus jeunes, d’avoir un sommeil d’une durée plus longue. Cette règle est institutionnelle. Elle régit la manière dont doivent se dérouler les couchers dans l’ensemble des groupes de l’Institution (en tout cas ceux qui accueillent un public de la même tranche d’âge, les 13-18 ans). C’est donc une règle qui s’impose à l’éducateur, et au groupe, indépendamment de leurs volontés. Il semble cependant que les éducateurs l’utilisent aussi car elle leur fournit un outil intéressant pour organiser le coucher. Il sera pour eux en effet a priori plus simple ne pas devoir envoyer tous les jeunes se coucher au même moment. En cas de difficultés posées par l’un d’eux, l’éducateur n’a pas à gérer l « effet groupe », et peut se pencher sur les difficultés réelles du jeune qui ne veut pas rejoindre sa chambre.
La deuxième règle n’est pas l’expression d’une intention éducative, mais une nécessité due au fonctionnement de l’institution. Les nuits sont assurées par un veilleur de nuit qui travaille parfois en doublure, mais le plus souvent seul, pour encadrer l’ensemble des groupes. Ceci représente en semaine une cinquantaine de jeunes, et cinq bâtiments différents. Les difficultés qu’ont pu connaître les veilleurs durant leurs nuits il y a quelques années (et les cadres de permanence) expliquent l’importance qu’attache l’institution à ce que les jeunes ne se déplacent plus après le départ des éducateurs.
Les deux règles que nous venons d’évoquer, si elles ne sont pas vides de sens et peuvent s’expliquer, laissent-elles la place à l’écoute éducative de la problématique de l’usager ? Comment celles-ci sont-elles expliquées à -et entendues par- l’usager ?
Il faut d’abord rappeler que ces deux règles ont été fixées en fonction du projet de l’établissement, un internat, qui établit que les jeunes doivent être scolarisés. L’heure du coucher ne prend son sens, vis-à-vis des usagers, que parce que ceux-ci devront se lever le lendemain pour aller à l’école. Or, la scolarisation d’un jeune n’est pas quelque chose de simple et d’acquis lorsque celui-ci entre en Institution. La M.E.C.S. est en effet agrémentée pour accueillir des jeunes placés par la Protection de l’Enfance. Les usagers sont donc, pour la plupart, placés car ils ont été victime de maltraitance physique, sexuelle, ou de carences affectives et éducatives importantes. Ils peuvent être méfiants vis-à- vis de l’adulte, dans un sentiment d’insécurité et d’anxiété permanent. Ils ont pour la plupart été déplacés de familles d’accueil en foyers d’hébergement et n’ont « posé leurs bagages » nulle part. Supposer alors que la scolarisation d’un jeune qui entre dans l’institution est un acquis, signifie que l’on passe outre ses besoins essentiels, sa demande de sécurisation, et d’un lieu qu’il puisse enfin considérer comme le sien. Aujourd’hui, la moitié des jeunes du groupe sur lequel je travaille n’est plus scolarisée, et nous privilégions un accompagnement qui leur permette de s’installer dans l’établissement. Nous nous heurtons chaque soir encore à cette règle institutionnelle qui fixe l’heure du coucher.
Cette règle perd aussi son sens dès lors que l’on tient compte de la problématique de certains usagers, pour lesquels le coucher est un moment extrêmement anxiogène. Il faut garder à l’esprit que la chambre, et le lit, sont des espaces dans lesquels les jeunes placés ont pu connaître des moments très difficiles. Le coucher est aussi le moment de la journée où le jeune va se retrouver face à soi-même, à son histoire, et pendant lequel tous ses problèmes vont se réveiller dans sa pensée. On voit bien alors qu’une règle qui fixe une heure de coucher qui ne tient pas compte de ces données peut être synonyme de maltraitance institutionnelle, si elle est appliquée à tout prix. La seule solution, pour les éducateurs, consiste alors à cumuler les heures supplémentaires, en attendant que le fonctionnement soit réfléchi en équipe, avec le chef de service. Pourquoi ne pas éventuellement mettre en place un système de veillées qui permette de respecter le rythme de l’usager ?

7 mars 2006

Introduction / Le Poids de l'Institution, le Choc des groupes

Salut!

Désolé les écrits de la formation ont complètement bloqué mes deux dernières semaines. L'un deux était intitulé : Le Quotidien. Ca tombe bien c'est le sujet de ce Blog..
(Il faut savoir que j'ai écrit ce truc en un week-end, alors je n'ai pas de recul par rapport au propos; commentaires bienvenus!)

Le quotidien est l’espace et le temps du travail de l’éducateur. C’est aussi l’espace et le temps de vie de l’usager. L’encadrant et le(s) jeune(s) s’y rencontrent dans une perspective différente. Pour l’un c’est le moment privilégié pour observer le jeune, tant la façon qu’a celui-ci de vivre les différents temps du quotidien peut être chargée de sens. Pour l’autre, les grandes étapes du quotidien que sont le lever, le repas, la toilette, le coucher, qui a priori sont des moments naturels de la vie, peuvent se révéler comme autant d’épreuves à traverser. On peut noter deux raisons à ceci.
La première : si un coucher, chez soi, s’inscrit dans la normalité, rejoindre sa chambre dans un internat rappelle au contraire que l’on ne vit pas auprès des siens. Chaque étape de la progression d’une journée rappelle à l’usager qu’il n’est pas chez lui. C’est alors son histoire, et sa problématique, qui lui est renvoyée.
La deuxième : c’est la notion de groupe. Nous parlions du quotidien de l’éducateur, et de celui de l’usager, c’est oublier que la rencontre de ceux-ci se fait généralement au sein du groupe (c’est toutefois le cas des structures que je vais évoquer dans la suite de cet écrit). La collectivité est le troisième intervenant dans la relation éducateur-usager que ces derniers entretiennent au quotidien. C’est cette triple relation dans l’organisation du quotidien qui donne le contexte de l’intervention éducative. Quelle est alors la marge d’action qui permet à l’éducateur d’intervenir auprès d’individus, tout en permettant une vie collective? En effet, l’éducateur peut être soumis, dans son accompagnement, à une double contrainte :
La première est institutionnelle : l’établissement dans lequel il travaille oriente son action. On peut penser bien sûr au projet institutionnel, qui fixe des objectifs éducatifs généraux qui orientent l’accompagnement au quotidien. La structure fixe par ailleurs des règles générales de fonctionnement dans lesquelles toute liberté d’organisation n’est pas possible. Il existe ensuite au sein de chaque structure des pratiques éducatives particulières, qui sont assimilées par l’éducateur qui rejoint l’établissement. Celles-ci sont souvent l’expression de l’histoire de l’institution, et leur sens demande parfois à être repensé.
La deuxième contrainte est celle qu’exerce sur l’éducateur l’obligation d’encadrer un groupe. Ceci induit que l’accompagnement qu’il va proposer aux usagers devra prendre en compte plusieurs sujets. L’intérêt de l’usager risque de souvent se heurter à celui des autres. L’éducateur doit réfléchir à la manière dont seront élaboré le cadre et les règles nécessaires au bon fonctionnement d’une vie en collectivité. Il doit par ailleurs penser à la place du sujet au sein de règles qui s’adressent à un groupe.
Ce sont ces deux contraintes qui m’ont marqué au sein des deux structures dans lesquelles j’ai eu l’occasion d’exercer : à savoir dans une M.E.C.S.[1]en tant qu’apprenti, et dans un I.M.Pro[2]. en tant que stagiaire. Nous allons voir comment ces contraintes s’expriment, très concrètement, au sein de celles-ci, afin de réfléchir sur l’accompagnement que les éducateurs proposent aux usagers. Nous évoquerons d’abord le coucher, puis la toilette, en M.E.C.S, pour finalement comparer le moment du repas en MECS et en I.M.Pro.

[1] M.E.C.S : Maison d’Enfants à Caractère Social
[2] I.M.Pro. : Institut Médico-Professionnel