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28 sept. 2009

La patate chaude

Salut'

Cette semaine, avec un peu de retard, j'ai envie de vous parler de l'accueil en urgence d'une jeune mineure : le quasi-quotidien des éducateurs qui travaillent en internat dans la Protection de l'Enfance.

Oui sauf que moi je travaille à l'intérieur d'une M.E.C.S. (maison d'enfants à caractère social pour les ignares), qui est donc un établissement privé. Et il faut différencier les M.E.C.S -privées donc- des structures publiques, en cela que ces dernières sont missionnées pour de tels accueils, qu'elles ne peuvent refuser.

Nous, en M.E.C.S, on tente de plus en plus de faire les malins. Notre statut privé nous permet de définir nous même notre "projet éducatif institutionnel". Et là, Bingo! Il n'est pas dit du tout que les accueils d'urgence soient compatibles avec ce projet ? Nos responsables ont même tout intérêt à ce que ce soit l'exact contraire! Pourquoi ? Parce que ça met la structure à l'abri du phénomène de "la patate chaude" : l'incasable qui détruit les structures et leurs équipes les unes derrière les autres et qu'on se refile sans que personne ne puisse s'y opposer, le vendredi soir en "Accueil d'Urgence".

Voilà pourquoi moi, en M.E.C.S., dans un établissement qui revendique haut et fort la mise en place de procédures d'admission pour "définir au mieux l'orientation et le pré-projet d'accompagnement du jeune" via un sas d'épuration sanitaire anti-patate, voilà pourquoi l'accueil d'urgence d'une jeune mineure est un évènement majeur !

Et surtout quand on travaille essentiellement dans le cadre d'"Accueils Povisoires de Jeunes Majeurs".

Là je me rends bien compte que mon introduction était bien trop longue, et que personne au monde ne lira plus loin, m'enfin! Sait-on-jamais !

Alors voilà mercredi dernier nous apprenons en équipe l'accueil "en urgence" (comprenez "à l'arrache") de la jeune Astrid 17 ans, qui se programme dès lors le lendemain soir. Point. Pas d'histoire. Pas de parcours. Pas de problématique. Pas de compte-rendu de situation. Pas de photo. Un studio de libre? Et c'est parti, faites votre boulot d'éduc.

Ok ok, bonjour mademoiselle, voilà voilà ta chambre. Ca te plait. ce soir c'est nous qui te faisons à manger, on va t'explqiuer un peu la vie ici. Fais pas trop de bruit on ne t'avait pas vraiment prévu, et aujourd'hui c'est "club-cuisine". Mordious! Je suis débordé!
Bon ça c'est l'accueil tel que je l'imagine, parce qu'en vrai j'étais tranquillement chez moi, heureux que ça ne me tombe pas dessus! (c'est bête, je sais, parce qu'en plus c'est super essentiel et important un accueil, mais bon la peur de l'inconnu, le danger, la paresse tout ça..)

Non moi ce qui me tombe dessus c'est la convocation à l'audience devant le Juge des Enfants. Convocation que je découvre le lendemain matin, 1h30 avant ladite audience, entre le café et.. le café !

Purée ça fait bien 2 ans que j'ai pas mis les pieds dans un tribunal, en tout cas dans le bureau d'un juge pour enfants qui s'apprête à placer un gosse. Je n'ai aucune idée de mon rôle à cette audience.. si ! "taxi" ça me parait évident, ; "garde du corps" aussi (le père maltraitant attend certainement sa fille dans le tunnel obscur et non-surveillé qui conduit à l'ascenseur étroit qui conduit au tribunal qui conduit au cauchemard des éducs : la confrontation à la justice..)

Ah.. un ptit mot sur un post-it de la part de ma collègue de la veille. Le chef dit de dire au référent social, qui est encore moins au courant que moi de la situation, qu'il faut demander un éloignement loin de chez nous, rapport à la violence paternelle.

Ce serait pas plutôt rapport aussi à la patate chaude qu'on ne connait pas et qu'on verrait bien frire ailleurs, non?


Ababakar

PS : Ah oui je n'ai pas particulièrement envie d'en faire un post mais je consigne à ma propre intention la fin de prise en charge de Carlos majeur le même jour, et recueilli par ses grands-parents avec moins que le minimum de chaleur syndicale.

20 sept. 2009

Le détour par Magellan


Salut'

Cette semaine j'ai longuement hésité sur le choix de l'évènement de la semaine que j'allais vous narrer. J'avais envie de vous faire part d'une (en)quête qui m'a laissé tel Perceval devant le Graal : déconfit de retourner penaud à la case départ après avoir trouvé le si convoité saint récipient. (ici les non-littéraires s'enfuiront tandis que les lettrés crieront au non-sens)

Je sens que je vais avoir du mal à me centrer aujourd'hui..

Enfin voilà, j'ai relu le post précédent et je me suis dit : "Purée mais les gens qui ne me connaissent pas vont penser que je m'enorgueillis d'avoir secoué ce malheureux! Et il se prétend éducateur! Juste un cow-boy, ouai! Mais où est la posture professionnelle?"

Et j'avoue qu'ils auront raison de se poser cette question. C'est aussi celle que je me suis posée cette semaine, alors que je rencontrais (et découvrais) en équipe le nouveau psychologue embauché par ma boite, appelons le
ad vitam Magellan, rapport aux "Grandes Découvertes"..

Alors voilà. Nous sommes 6 cet après-midi à être réunis dans de confortables fauteuils et nous procédons aux présentations d'usages : 4 éduc, le chef et Magellan. Et Magellan d'affirmer que "rien de tel pour se découvrir que de commencer à travailler" et "si nous évoquions une situation?" Silence traditionnel évoquant le recueillement des gens qui n'ont rien préparé et s'interrogent sur la nécessité de réfléchir quand on n'est qu' éduc..
Pour ma part j'hésite entre deux situations, sans être persuadé de l'utilité de les exposer d'aileurs. 3 mois que nous travaillons sans psy et nous nous en sortons aussi bien! Comment ça j'ai failli encastrer un jeune dans un mur la semaine passée.. Rien à voir!


Finalement une collègue embarassée, pour ne pas dire machiavélique, me refile le bébé.. "Aba, tu devrais parler de ce qui t'es arrivé la semaine dernière!" re-Grr (cf pénultième post , et "oui, il s'agit de la même personne)

Enfin bon, pas moyen de se défiler, l'humour ne me mènera nulle part et nous sommes au 1er étage, c'est trop haut pour tenter une évasion spectaculaire.

Je raconte donc mon aventure, que je ma targue depuis une semaine d'assumer complètement. Il est vrai que je suis convaincu d'être un éducateur sans faille, qui a simplement souhaité rétablir la justice au risque de son intégrité physique là où d'autres se seraient contentés de fermer les yeux genre "moi les affaires entre jeunes ça ne me regarde pas".
Et à la manière dont je raconte cet évènement à ce quasi inconnu dont la qualité laisse statutairement penser qu'il entendra la moindre faille, je m'aperçois que je ne suis pas si à l'aise que ça avec cette histoire.

Mes motivations pour intervenir ce jour-là : rétablir la justice? Non, cessons de mentir ; la justice, ça n'existe pas, nulle part et pour personne, et c'est pas mon boulot, sinon j'aurais fait du droit..(?)


Je crois que Magellan est déjà en train de m'aider à découvrir (sans le savoir) que ce qui m'a poussé à intervenir, c'est la volonté d'aller gratter le vernis des apparences, voir de l'exploser, et c'est étrange, c'est ce qui arriva : une explosion.

A force de bosser à l'instinct, je n'ai pas pris le recul nécessaire pour me demander, une seconde, si mon intervention était professionnellement justifiée.


Je me souviens de ce qui passé en moi quand je me suis adressé à Carlos la première fois, pour lui demander de rendre ce fichu portable. Une fichue idée instinctive de l'ordre de : "Ca fait une année que nous ne parvenons pas à avancer éducativement parlant avec Carlos. Pourquoi? A cause d'un relationnel fondé sur les apparences, sur l'image que Carlos nous sert à chaque fois que nous sommes en relation, et dont nous nous satisfaisons par facilité.." Puis de l'ordre de "Ce soir c'est fini, je ne m'en contente plus, je fais exploser ça".

C'est tout ça qui m'est passé par la tête la seconde où j'ai décidé d'aller fouiller dans "le linge sale" de Carlos, comme dirait Magellan..
Le problème étant :


1. que cette attitude de ma part était potentiellement dangereuse pour la santé mentale de Carlos, pour lequel les apparences, l'image qu'il renvoie de lui-même sont peut-être l'essence de sa construction identitaire, ce qui le soutient psychologiquement et lui évite de s'effondrer.. et oui, rien que ça!

2. que tant qu'à avoir pris ce risque en allant voir ce qui se cachait sous le vernis, je n'aurai pas du retourner vite me cacher moi aussi sous les apparences : celle de l'éduc justicier qui est parvenu à "rendre le portable"..


Ababakar

13 sept. 2009

Une minute de violence

Salut'

L'évènement de la semaine, c'est très certainement l'altercation un poil musclée que j'ai eue avec un quasi-majeur cet après-midi.
Pas facile de fermer l'œil après de tels épisodes..
Amis voyeurs, laissez moi vous conter l'histoire.
Le jeune Carlos (pseudo à peine connoté) fait poireauter depuis un bon moment déjà la jeune Ernestine qui lui réclame un portable prêté la veille. Ayant connaissance de la petite réputation de voleur-recéleur que le jeune Carlos se taille mois après mois -à tort ou à raison- je décide une fois n'est pas coutume de me mêler de cette affaire de Buiz-troc entre jeunes. Il est grand temps de me faire ma propre idée de l'honnêteté avérée ou non de ce jeune détrousseur en série au regard débordant de trop d'innocence.

-"Carlos, rends le portable à la demoiselle"
-"Non, mais blablabla.."
-"Rends lui son portable. c'est le sien. Elle te le réclame. Tu lui rends. Point."

10 min plus tard, les deux protagonistes n'ont pas bougé d'un poil. La situation semble gelée. Je m'adresse à Ernestine.

-"Tu n'as toujours pas récupéré ton portable?"
Négatif
-"Carlos, tu lui rends son portable tout de suite où je vais le chercher"
Carlos est de plus en plus tendu.
-"Non mais j'attends un coup de fil important, elle m'avait diit jusqu'à demain! blablabla je vais péter un plomb blablabla
-Carlos, ne m'oblige pas à aller le chercher!"
Carlos part alors dans son studio:
-"C'est ça n'essaie même pas!
-"2 min, Carlos"

2 min plus tard Carlos n'est pas réapparu. Je le rejoins chez lui. Nous sommes seuls désormais.

-"Carlos, je t'ai demandé 2 fois de lui rendre son portable. Pas demain, maintenant!
- Ouai je ne peux pas j'attends un appel important, le travail blabla
- Si tu attends un appel je te passe le tel du bureau, tu donnes ce numéro pour qu'on te rappelle
- Oui mais elle m'avait dit jusqu'à demain..
- Elle a changé d'avis. Tu lui rends. Ce n'est pas à toi. Il est où ce portable??
- Ouai je ne l'ai pas..je l'ai revendu!
- Quoi??
- Non c'est pas vrai mais j'en ai besoin, elle l'aura demain à 8h!
- Ecoute tu me dis où est ce portable, où je le cherche moi-même"

La situation s'enlise, il faut avancer.. Fouiller n'est pas une pratique que j'adore..Mais il faut tenter quelque chose pour le secouer.. Je fais d'abord mine de regarder derrière les objets, et lui de vouloir partir. Je lui dis que je ne partirai pas sans m'être assuré que ce portable ne se trouve pas chez lui, puisque lui se refuse à m'indiquer où il est. Je soulève un matelas et j'arrive finalement à la dernière planque possible, la commode où sont soigneusement pliés et repassés les vêtements de ce jeune innocent qui s'accroche tant à son apparente perfection.

Et là, c'est le drame. Carlos m'attrape et me repousse physiquement, le regard flamboyant de colère, dans un mouvement que je reçois très violemment. La réaction ne se fait pas attendre. Les deux mains à son col je le repousse avec suffisamment de force pour qu'il ressente le peu d'intérêt qu'il a de tenter de conclure notre affaire par ce moyen..
Malheureusement ces situations sont d'une nature telle qu'elles sucitent l'imprévu et l'incontrôlable. Ma main droite fermement accrochée à son encolure, repoussant le bonhomme, vient maladroitement heurter sa machoire dans un bruit sourd qui ne retranscrit pas fidèlement la faiblesse du choc.

Aïe Aïe. "Tu m'as mis une droite, tu m'as mis une droite!!"

Il semblerait que cet incident légitime un regain de violence de la part du garnement, qui croit malin de me repousser à nouveau dans son canapé en se jetant sur moi. 2ème réaction. Tout aussi "mesurée" que la première, mais sans accident cette fois-ci. Nous sommes debout face à face ; je n'ai aucune idée de ce que nous nous hurlons, chacun les mains au col de l'autre. Les miennes se relâchent les premières, très vite. Je ne ressens ni colère, ni orgueil blessé, ni aucune nécessité d'affirmer ma supériorité physique (supposée^^)

Par contre faudrait voir à ce qu'il me lâche lui aussi, bordel!

Tiens, on s'entend à nouveau. Lui m'accuse de l'avoir frappé. Je me rends compte que ce fait ne semble pas pouvoir faire l'objet d'une discussion. Je reprends donc l'offensive. "Je veux toujours savoir où est ce portable" Voix calme et ferme autant qu'elle le peut. Et je reprends la "fouille-rien-ne-m'arrête" Lui finit rapidement son sac et quitte son studio : 'Tu fermeras en partant", me lance-t-il.. Je le suis ; je sais bien que cette fouille ne servira pas en elle-même à retrouver l'objet.

Dernière tentative ; je le hèle : "Je te préviens que si ce portable ne réapparait pas, il y aura portage de plainte contre toi en plus de la note d'incident qui va suivre très prochainement."

On ne fait plus trop attention aux erreurs de langage dans ces moments là ; Gad le dit aussi dans son sketch du papa en colère, et il semble bien qu'il ait raison. Mais c'est quand même la honte.

Je redescends et le talonne jusqu'à ce qu'il prenne la route de son entrainement de sport.

Il réapparait pourtant 5 min plus tard dans le bureau et rend son portable à Ernestine.
Quoi? Comme ça? Maintenant?

20 min plus tard il est dans le bureau d'un chef de service, en larmes.

3h plus tard. Nous avons une entrevue à 2. D'après lui son geste est légitime. Tout est ma faute. Je lui ai mis une droite. Ah..Bon.. -"C'est tout?". '"C'est tout". "Bon, sache que tu as tout à fait le droit d'aller te plaindre de moi à mon chef de service où à ta référente sociale si tu penses que j'ai mal agi envers toi."

4h plus tard. Je retourne chez lui avec la note d'incident écrite, lui en fais la lecture et lui en laisse un exemplaire. Il ne bronche pas, n'a rien à ajouter. Je lui dis que je n'ai aucun problème à assumer mes actes dans la mesure où je ne crois pas avoir eu d'autre solution sur le moment que celle de le repousser physiquement. Je répugne à devoir en venir aux mains avec un jeune. Vraiment. Mais pas suffisamment pour accepter que l'on porte la main sur moi. Même si j'accepte tout à fait l'idée que parfois, il faut que ça éclate. C'est comme ça. Par contre je trouve regrettable que nous nous soyons retrouvés dans cette situation.

Blablabla. Pas de Feedback. "Bon je suis dispo demain de 8 à 9 et après 12 h si tu veux me voir pour en reparler.

Fin

Me reste un goût amer

9 sept. 2009

Rentrée footballistique


Salut'

L'évènement de la semaine c'est en fait celui de la semaine dernière, qui m'a vu revenir à la dure réalité de cette existence : il faut travailler. Enfin il paraît. Alors essayons..

Oh! Mais que vois-je aujourd'hui? Quelle abominable découverte en ce jour maudit entre tous?
Mon lieu de travail et bureau chéri repeint aux couleurs du RC LENS! (sang et or pour les ignares!) Moi qui ai horreur du foot et du passionnalisme.. Passons sur les couleurs.. Mais où est donc passé le tableau d'affichage sur lequel figuraient les quelques malheureux documents de suivi pour la survie desquels j'ai sué sang et eau pendant 2 ans ?? Et pourquoi mes tortionnaires de collègues me regardent-elles en souriant, osant même me demander non sans un soupçon de crainte et d'arrogance mêlées : "Alors, ça te plaît?" Grrr..

Et là le miracle. Ben oui. "Ca"me plaît. J'aime bien ce rouge typique de la région dans laquelle j'ai choisi de m'installer. J'aime bien ce jaune vif qui a le mérite de vitaliser ce lieu empreint jusqu'alors d'une ambiance presqu'aussi lourde et maussade que le vert fadasse qui recouvrait depuis jadis les murs humides et froids de cette antique écurie.


Double miracle. Les fameux documents pré-cités ont été non seulement conservés mais également tenus à jour! Mais que se passe-t-il ici? Chercherait-on à m'évincer? Ne sers-je plus donc à rien?
Chers collègues qui passeriez par ici par inadvertance, je n'ai pas la formule pour vous remercier sans condescendance pour ce geste de bienveillance envers mes bébés..

Et voilà. Dans ces nouveaux locaux je me sens désormais prêt à reprendre mon travail.
En parant au plus pressé d'abord : démêler la situation du jeune Antoine qui s'est installé dans le Sud cet été, et dont la situation administrative (et donc financière) semble inexorablement bloquée. Reprendre avec Vincent le fil de sa recherche de formation professionnelle dans le secteur de l'animation, et ne pas le laisser se planter une 2ème fois dans une voie de garage qu'il déteste.

En reprenant un travail de fond plus tard : améliorer nos relations avec la Mission Locale. développer un projet d'insertion par la culture. Pérenniser les projets individualisés (certains vont rigoler, là..!)


Mais j'en connais un qui débarque en octobre et qui risque de jouer aux quilles avec tous ces beaux projets!

A suivre donc


A plus


Ababakar