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17 oct. 2008

Etre sujet aujourd'hui

Ca y est, j'ai revu l'homme.. enfin.. celui-là.. Je parle de Vincent de Gaulejac, figure de proue de la sociologie clinique, venu animer hier une conférence intitulée:

Le sujet face aux contradictions de la société hypermoderne


Quelques mots sur la sociologie clinique ?

La sociologie clinique permet d'étudier et d'expliquer les comportements humains en tenant compte du contexte social dans lequel se déroule notre histoire.

Pour le sociologue clinicien:

- Les phénomènes sociaux ne peuvent être appréhendés totalement que si l'on intègre la façon dont les individus les vivent, se les représentent, les assimilent et contribuent à les reproduire.

- Les milieux sociaux traversés, les conditions de vie, nos expériences de rapports sociaux entre hommes et femmes, les institutions dans lesquelles nous sommes passés, les héritages sociaux et familiaux sont constitutifs de notre identité, de notre personnalité.

La sociologie clinique cherche à démêler les noeuds complexes entre les déterminismes sociaux et les déterminismes psychiques.

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Je ne ferai pas de compte-rendu détaillé de la conférence bien qu'elle fut extrêmement intéressante, mais trop riche pour pouvoir la réduire à quelques mots mal choisis.

Alors qu'en dire?

Il s'agissait de nous expliquer en quoi et pourquoi nous vivons des contradictions énormes actuellement entre ce que nous vivons et ce que nous pensons et ce que nous nous représentons de ce qu'est la société aujourd'hui. Déjà là, je ne suis plus très claire.. Mais je continue quand même un peu..

L'individu est confronté à une contradiction majeure:

- d'une part, la société demande de réussir à se conformer aux normes de cette "société de gestion" qui participent à l'objectiver, l'instrumentaliser, la désubjectiver

- et d'autre part, il existe une exigence d'affirmation de soi, de son autonomie, de sa singularité et de ses capacités créatrices.

Il s'agit donc d'être à la fois commun et hors du commun, c'est ce que nous demande la société consumériste.


Mais la quête de l'excellence, conjoncturelle, produit de l'exclusion: chacun est persuadé qu'il va gagner, il existe peu de prise de conscience des effets néfastes de la compétitivité, on est pris dans un mouvement, dans un collectif, et on ne réalise que quand on est perdant que le système n'est pas satisfaisant et qu'on est en pleine contradiction avec soi.

Nous sommes dans une société de l'extrême, de la poursuite des idéaux, alors qu'avant, on était dans une société du sur-moi, qui fixait des interdits et était plus structurante. La société a perdu de sa consistance, nous avons accès à trop d'informations, donc nous flottons, nous sommes dans une société liquide dans laquelle il faut savoir bien nager pour rester à la surface. On cherche à gagner du temps, mais on se plaint d'en avoir de moins en moins: on a accès à l'information et à la communication en temps réel à tout moment, donc cela signifie qu'on est joignable à n'importe quel moment donc qu'on est libre de travailler 24h sur 24 si on le souhaite. On emmène son PC portable partout, donc on se retrouve coincé dans le système. C'est l'aliénation maximale que même Marx n'avait pas prévue!

L'individu est donc placé dans des contradictions très fortes: se dépasser soi-même et se conformer à des contraintes très strictes.

L'épanouissement personnel se heurte à une lutte des places de plus en plus forte. Et quand le moi n'arrive pas à être à la hauteur des propres exigences de la personne, on se sent nul et on déprime . C'est pour cela que nous sommes dans une époque où se développent beaucoup de pathologies des limites de soi: anorexie, boulimie, dépression. Prenons l'exemple du sportif de très haut niveau, qui présente une addiction à l'épreuve, à la compétition, et au dépassement de soi. A quoi sert de vivre s'il n'est plus un winner? La dépression peut alors parfois prendre la forme d' une "pause forcée" de cette course de soi, d'un apaisement , qui serait comme une obligation à arrêter cette course. La contradiction prend le dessus, le seul moyen possible de la stopper est la dépression.


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Etre sujet, c'est ne pas accepter qu'il y ait ce clivage entre ce que je fais, ce que je pense, et ce à quoi j'aspire.

C'est aussi:

- être maître de ce que je peux donner aux autres

- être, se sentir responsable des espaces que j'occupe

- pouvoir recevoir et être maître de ce que je rends à l'autre

Bergson disait que pour pouvoir penser, il fallait être immobile voilà le problème actuel du manque de sens.. L'immobilisme ne va pas de pair avec notre époque, il est difficile de ralentir, nous vivons dans le "toujours mieux, toujours plus vite", dans le culte de l'urgence.


Beaucoup de ceux qui pensent tout ça pensent être les seuls à le penser, car ce n'est pas relayé par le débat public. Et nous contribuons tous collectivement à produire ce système alors qu'individuellement nous le critiquons. C'est bien là qu'est la contradiction.

La société est autant aliénante qu'elle ne donne du choix. Cette société de l'hyper (hyper-technologie, hyper-marché, hyper-président, hyper-choix) aliène aussi.

Je ne voulais pas faire de compte-rendu réducteur, c'est raté. Tout parait pourtant si fluide quand il en parle.. ici, c'est plutôt une somme de raccourcis. Alors le mieux, c'est d'aller le voir s'il passe près de chez vous.

1 commentaire:

Ababakar a dit…

Salut!
Quelle somme de travail. Merci pour le compte-rendu, difficile on le sent bien, mais si on tend bien l'oreille on entend toute l'intelligence de l'auteur de ces propos ^^