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20 mai 2007

Tranche de vie




Dimanche dernier, 15 heures, on sonne. C'est J.
Du haut de ses 22 ans, c'est déjà une "ancienne". Ça fait 3 ans qu'elle a quitté le foyer.
Contente de la revoir, je prends de ses nouvelles en l'assaillant de questions (de toute façon, c'est un peu pour ça qu'elle est venue, non? pour en donner, des nouvelles).

C'est toujours agréable (oui bon, par curiosité aussi, ok) de savoir ce que deviennent les filles après leur séjour au foyer. Elles sont nombreuses à y revenir un jour ou l'autre.

Je crois que c'est dû principalement à 2 raisons :
- l'ancienneté de 3 éduc de l'équipe, qui permet d'avoir une chance sur 2 de "tomber sur un éduc qu'on connaît". (en fait, 4 éduc, mais je n'arrive pas à parler d'ancienneté en ce qui me concerne... ça viendra, certainement...)
- le fait de voir passer des anciennes hébergées pendant leur séjour, qui les incite à en faire de même plus tard.

Certaines reviennent rapidement après leur départ, souvent pour demander un renseignement qu'elles ne savent pas où aller chercher, sans doute aussi pour que le départ soit plus progressif , et puis elles se détachent, avec le temps.

D'autres reviennent après plusieurs années, pour des milliers de raisons, chacune ayant la sienne, certes, (je suis prudente...) mais peut-être parce qu'il leur faut du temps pour prendre du recul sur leur séjour au foyer, ou peut-être parce qu'elles attendent des preuves de leur insertion sociale pour venir, ou encore parce qu'elles mettent du temps à digérer les évènements vécus au foyer au moment de leur majorité, période charnière. C'est vrai que nous les accompagnons à décoder, à tenter de comprendre et d'accepter des situations familiales parfois difficilissimes, dont la mise à jour peut être "facilitée" au moment du passage "administratif" dans la vie d'adulte. Vivre en semi-autonomie et devenir majeure peut peut-être permettre parfois de se libérer un p'tit peu d'un lourd héritage familial, ou de s'autoriser à le faire.

Et même un suivi qui se termine mal n'augure pas une fin de non-recevoir envers nous. Évidemment, ne reviennent que celles qui sont bien disposées, nous ne voyons pas les autres. Si je pense à ça, c'est que, régulièrement, les jeunes femmes hégergées ont besoin de créer une vraie rupture pour pouvoir quitter le foyer: c'est déjà allé jusqu'à tout mettre en oeuvre pour réunir les conditions d'une éviction du service, mais ça n'a pas marché! Haha, on avait compris le p'tit jeu...et on l'a expliqué. Cette "méthode", certes inconsciente, les aide à se persuader que le service n'est plus adapté à leurs besoins du moment, et donc, ça les aide à partir (oui, c'est un raccourci rapide, et alors, j'ai le droit). Il faut penser que les départs, dans leur pourtant courte vie, ne sont pas forcément associés à de joyeuses envolées vers la liberté ou à des vacances entre potes! Le départ du service peut venir réactiver la rupture familiale subie des années auparavant, et les changements successifo-chaotiquo-perturbants de services sociaux . Mais la plupart des départs se passent néanmoins très bien. (je trouve que les accueils et les départs devraient être soignés bien davantage dans les services, c'est très important finalement (phénomène d'empreinte? importance donnée à l'autre? mini-deuils?) oui, c'est facile à dire, j'ai qu'à) (bigre, un peu lourd ce paragraphe, désolée)

Quelques-unes autres (oui, et alors) viennent pour nous présenter leur mari, leurs enfants. On reçoit des faire-parts, des cartes postales, des photos, qui viennent témoigner de l'histoire du service sur le pêle-mêle du bureau (magnifique...). (et ça, ça doit être la 3ème raison pour laquelle elles passent: figurer en bonne position dans cet encadrement!).


Pour finir sur une note de poésie, laissons parler le poète et philosophe tunisien (et non arménien) Hachemi Baccouche :
"Tout homme est une histoire dont d'autres sont plus ou moins responsables que lui".
C'était, un peu, de loin, en gros, le thème de mon mémoire d'éduc: l'influence de l'autre dans notre histoire et notre identité.

4 commentaires:

Modérateur a dit…

Bonjour,
Je suis le neveu de H Baccouche, le sociologue et philosophe que vous citez. Mon oncle n'est pas arménien mais tunisien :-)) !
Un documentaire qui lui est consacré est en cours de tournage. Accepteriez-vous d'y prendre part en nous faisant part de suggestions ou de question qui pourraient enrichir l'interview de Baccouche. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre mémoire ?

Merci,
AZ

Maïa a dit…

Bonjour,
Tout d'abord, je suis désolée pour l'erreur commise concernant ce grand Monsieur TUNISIEN qu'est votre oncle.
Vous aurez donc constaté que je le connais bien peu, mais vous me donnez l'occasion et l'envie de m'intéresser à lui davantage. Pour le moment, je ne peux donc pas , malheureusement, apporter de quelconque pierre à l'édifice.

Mon mémoire traitait de l'identité (oui, justement!), plus particulièrement de l'influence de la famille et de l'environnement social et culturel dans la construction de cette identité. Et plus particulièrement encore du rôle que peut jouer l'éducateur spécialisé dans la construction identitaire des personnes qu'il accompagne.

Maïa a dit…

Et merci pour votre passage sur le blog... éclairant.

Modérateur a dit…

Merci de votre réponse. voici sa biographie sur l'encyclopédie wikipedia.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hachemi_Baccouche

Cordialement,
az