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15 mars 2007

Jennifer, bientôt 20 ans.

Entretien hebdomadaire avec Jennifer (non, ce n'est pas son vrai prénom), 19 ans 3/4.
Tout se passe bien: elle répond calmement aux questions, elle écoute à peu près ce que je lui dis, elle reste assise, l'entretien dure 45 minutes.
Mais ses yeux la trahissent, son sourire un peu trop spontané aussi.

Jennifer est coutumière de la consommation de médicaments, de cannabis et/ou d'alcool.
Rapidement, nous nous sommes rendu compte en équipe que les entretiens n'étaient calmes que lorsqu'elle avait consommé. Alors j'ai alterné les entretiens:
- sans produits: impulsivité, voire agressivité au moindre "chatouillement" de ma part, opposition quasi constante, refus de "coopérer", et impossibilité d'aller jusqu'au bout d'une discussion, car elle met fin à l'entretien en se levant, en criant, et en claquant la porte (ou j'y mets fin moi-même, parce que moi aussi j'ai mes limites...)
- avec produits: calme, elle essaie de comprendre, elle s'explique davantage sur ses ressentis, elle supporte de rester dans le bureau plus de 10 minutes...

Après lui avoir relaté ce constat, après des refus de la recevoir tant son état était second, après un long travail d'injonction thérapeutique qui a rapidement échoué, nous avons compris que nous ne pouvions l'aider qu'en composant avec cette part d'elle-même, c'est-à-dire sans la stigmatiser, en l'encourageant dans ses efforts à supporter la vie, en l'accompagnant dans l'avancée de ses quelques projets, si utopiques soient-ils (ex: vivre à Saint Trop' avec un boulot, un mec et un logement).
Et la situation ne s'aggrave pas "éducativement" parlant, même si sa santé commence à se dégrader (gros soucis de concentration, problèmes pulmonaires) et qu'elle se met encore dans des situations de danger occasionnellement (en fait, assez souvent).

Parfois, l'impuissance de l'éducateur le renvoie tout simplement à sa place.

Evidemment, il y a tout un contexte qui n'est pas retranscrit ici.

3 commentaires:

Ababakar a dit…

Réaction à chaud:
Ca me rappelle le témoignage d'un psy en institution qui disait (de mémoire) qu'un jeune avec lequel elle avait travaillé ne trouvait d'équilibre et de "bien-être" qu'incarcéré. Et il faudrait évaluer notre travail? Où est l'échec? Où est la victoire?

Ababakar a dit…

euh. ah oui? Injonction thérapeutique? tu veux faire un post pour préciser ce que c'est?

Maïa a dit…

L'évaluation de notre travail... il n'y a pas de sujet plus au goût du jour que celui-ci. Il faut espérer que les outils que nous mettrons en place pour répondre à ces exigences d'évaluation ne feront pas de nous des éxécutants de pratiques éducatives stéréo-typées auprès d'usagers formatés eux aussi, car ne pouvant plus émettre de désirs en dehors de ceux qu'on leur proposera. J'en parlerais des heures, j'ai des exemples à la pelle, et je défendrai bec et ongle que la qualité de notre travail ne se mesurera jamais dans des grilles, dangereuses et enfermantes. L'essentiel ne se jauge pas si facilement, c'est la qualité de la relation et la cohérence éducative qu'il faut préserver absolument. Je crains que ces outils d'évaluation nous fassent oublier l'essentiel: accompagner au mieux-être des personnes souffrant de diverses et multiples difficultés . Le matériel et le technique passent en second plan, selon moi. Je m'explique: ce ne sont pas les statistiques sur les réussites scolaires, ni les pourcentages d'accès à l'emploi, ni les acquisitions matérielles qui témoigneront du bien-être des personnes accompagnées. Alors que souhaite-t-on évaluer? au mieux, on produira une évaluation quantitative, mais pas d'évaluation qualitative de notre travail, il faudra donc être vigilant, afin de ne pas oublier l'essence même de notre travail. Euh... je crois que je m'emporte un peu... désolée.